samedi 31 mars 2012

Lettre à Nicolas Sarkozy


Mohamed Sifaoui


Monsieur Le Président,
L'Union des Organisation Islamiques de France (UOIF) organise, du 6 au 9 avril 2012, ses "rencontres annuelles" au parc des expositions du Bourget. Nous sommes nombreux à nous insurger, depuis de longues années, contre les agissements de cette association qui prétend, de surcroît, s'exprimer au nom des "musulmans de France" et qui n'hésite pas à offrir des tribunes à des idéologues intégristes connus pour leurs positions extrémistes.
L'UOIF qui siège au sein du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) est une association qui défend et propage sur le territoire de la République, et ce, depuis sa création dans les années 1980, une idéologie qui instrumentalise l'islam à des fins politiques directement inspirée de la pensée des Frères musulmans égyptiens.
Sans esprit de polémique et sans rappeler que vous êtes de ceux, alors que vous étiez ministre de l'Intérieur, qui ont tenu à accorder, probablement par méconnaissance, une "respectabilité" à l'UOIF en exigeant leur incorporation au sein du CFCM, je souhaite vous alerter, en prenant à témoin l'opinion publique, sur la dangerosité de banaliser les idées prêchées par les Frères musulmans qui continuent de provoquer des ravages dans les sociétés maghrébines et, au-delà, dans les pays faisant partie de la sphère "arabo-musulmane".


Probablement, vos conseillers ne vous ont-ils pas suffisamment alerté sur les réalités de la pensée des Frères musulmans, sur leur parcours et sur l'itinéraire des fondateurs historiques de l'UOIF, organisation intégriste s'il en est, dont les leaders se sont toujours distingués par un double discours connu de la plupart des spécialistes et chercheurs ayant travaillé sur la question relative à l'islam politique en général et à l'UOIF en particulier.

Les organisateurs des prochaines "rencontres annuelles" de l'UOIF ont décidé cette année d'inviter, ce n'est d'ailleurs pas la première fois, des idéologues intégristes parmi lesquels le tristement célèbre prédicateur égyptien Youssouf Al-Qaradhaoui. J'ai appris que ce dernier a pu bénéficier d'un visa qui l'autorise à fouler le sol de la République et la patrie des Droits de l'homme. Ce qui est, à tout le moins scandaleux. C'est d'autant plus scandaleux que cet extrémiste vient en France, dans ce contexte particulier de tragédie nationale, alors que l'opinion publique constate les ravages que peut provoquer l'extrémisme religieux en général dans des esprits fragiles ou fragilisés.
Il y a de cela quelques années, Youssouf Al-Qaradhaoui s'était illustré par des propos d'une rare violence antisémite. Il annonçait en effet : "Tout au long de l'histoire, Allah a imposé aux [Juifs] des personnes qui les puniraient de leur corruption. Le dernier châtiment a été administré par Hitler. Avec tout ce qu'il leur a fait - et bien qu'ils [les Juifs] aient exagéré les faits -, il a réussi à les remettre à leur place. C'était un châtiment divin. Si Allah veut, la prochaine fois, ce sera par la main des croyants [musulmans]". Je vous laisse apprécier la teneur particulièrement abjecte de ces propos qui ne reflètent, en aucun cas, l'esprit de la religion musulmane. Je vous laisse, par ailleurs, apprécier le fait que vos "protégés" de l'UOIF n'aient jamais condamné ces propos. Pire, ils offrent une tribune à leur auteur qui n'est en réalité autre que l'une de leurs références idéologiques et l'un de leurs maîtres à penser.
Les services spécialisées et les institutions de la République compétentes en la matière vous fourniraient de plus amples informations sur le personnage, mais également à propos des autres invités comme le "cheikh" Mahmoud El-Masri par exemple, connu pour des positions tout aussi extrémistes.
Par conséquent, je vous demande, M. le Président, d'intervenir personnellement pour faire annuler toutes les autorisations d'entrée sur le territoire français de ceux, parmi les invités de l'UOIF, qui sont connus pour leurs positions extrémistes, leur discours antisémite, sexiste ou homophobe et de tous ceux qui appellent à la violence à partir de certaines chaînes satellitaires ou de sites internet.
Les événements tragiques de ces derniers jours et la vive émotion qui continue de traverser la société après les assassinats barbares perpétrés contre trois soldats français d'origine maghrébine et quatre Français de confession juive, dont trois enfants, ne peut nous permettre d'accepter que des tribunes soient offertes, en France, aux tenants de la haine. Des idéologues de la trempe d'Al-Qaradhaoui mettent à mal le "vivre-ensemble" et favorisent, outre la violence, le communautarisme et le repli sur soi.
D'un autre côté, si vous décidez enfin, à juste titre, de criminaliser les sites internet qui prônent le salafisme djihadiste et les idées extrémistes, il est nécessaire, d'agir avec cohérence, à l'égard de personnages comme Youssef Al-Qaradhaoui, car il vous incombe aussi de mettre à l'abri les jeunes français de confession musulmane, dont les esprits sont déjà fragilisés par des conditions socio-économiques difficiles, des stigmatisations et des discriminations qu'ils subissent au quotidien, et qui seraient tentés d'accorder du crédit aux propos haineux de certains idéologues ou encore d'être perméables aux discours extrémistes que la morale républicaine réprouve.

Nicolas Sarkozy a annoncé lundi sur France Info avoir dit "à l'émir du Qatar" que Youssef Al-Qaradaoui n'était "pas le bienvenu" en France, rapporte Le Point.

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