samedi 7 mars 2015

Bourguiba, ce grand homme méconnu par son peuple et méprisé par les "Arabes" !

Un dirigeant ne doit jamais suivre son peuple, mais le précéder.

Bourguiba fut la chance de la Tunisie. Il est à craindre qu'il n'y en aurait pas un autre de sitôt quand on voit le niveau politique et moral, de ceux qui prétendent lui succéder ... sans parler des complexés de l'Histoire qui ne pensent qu'à prendre leur revanche sur le grand homme et détruire tout ce qu'il a fait de la Tunisie; plus particulièrement les pan islamistes avec à leur tête le Frère musulman Ghannouchi et Tartour alias Marzougui le pan arabiste !

De Gaulle disait de Bourguiba : « J’avais en face de moi, un lutteur, un politique, un homme d’Etat et un visionnaire, dont l’envergure dépasse les dimensions de son pays ».

R.B

Il y a 50 ans, le discours qui a failli changer le cours de l'histoire au Proche-Orient 

Il y a 50 ans, Bourguiba entamait un périple historique et à maints égards inimaginable aujourd’hui, par sa durée (8 semaines), le nombre de pays visités (Egypte, Arabie Saoudite, Jordanie, Koweït, Liban, Iran, Turquie, Grèce et Yougoslavie) et celui des personnalités tunisiennes qui accompagnaient le président (une soixantaine).  Un épisode méconnu de notre histoire dont on a retenu surtout le discours d'Ariha. Les jeunes générations que le triste spectacle offert aujourd'hui par l'Assemblée des représentants du Peuple et la classe politique d'une manière générale désespère, ont tout intérêt à s'acquitter de ce devoir de mémoire, car ce périple peu commun constitue une page de leur histoire dont ils n'ont pas à rougir, bien au contraire.

En 1965, Bourguiba avait 62 ans. Il avait mené à bien le processus de décolonisation dans son pays. L’autonomie interne, l’indépendance, la proclamation de la République, l’évacuation militaire puis agricole. Après le putsch manqué de décembre 1962, il a certes réduit au silence l'opposition, « concentré entre ses mains autant sinon davantage de pouvoirs que le Bey et la résidence générale réunis n'en avaient», mais il a transfiguré son pays, consacré le tiers du budget de l'Etat à l'enseignement, accordé leurs droits aux femmes et mis le pays sur les rails du progrès. Grâce à lui, notre pays jouit d'un prestige immense. Léopold Sédar Senghor, le président-poète du Sénégal a reconnu lors de l'une de ses visites en Tunisie qu'il qualifiait de « pèlerinage aux sources de l'africanité » : « quand un ministre vient me demander conseil à propos d'une question épineuse, je lui réponds : voyez si les Tunisiens ont eu le même problème et inspirez-vous de leur démarche». 
Neuf ans après l'indépendance, Bourguiba commence à se sentir à l’étroit dans sa petite Tunisie et pense que le temps est venu de faire profiter les peuples arabes de ses conseils et de son expérience. Le 16 février 1965, il s’envole vers ce "Machrek"  compliqué dont il n’avait jamais apprécié l’impulsivité des dirigeants. N'avait-il pas reproché à plusieurs reprises aux Arabes « leur propension à fuir devant les faits réels », d’où « le profond et large abîme entre ce qu’ils souhaitent et la réalité dans  laquelle ils vivent ».

« L'Allemagne n'en mourra pas »                                                                                          

Première étape : le Caire, cœur battant du monde arabe, qui l’avait si mal reçu au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Il faut dire que les rapports avec l'Egypte depuis  l'indépendance n'ont jamais été un long fleuve tranquille. Nasser avait pris le parti de Salah Ben Youssef dans son conflit avec Bourguiba. Mais après les événements de Bizerte, en 1961, les relations entre les deux pays se sont nettement améliorées, si bien que le  président égyptien fut invité aux festivités marquant l'évacuation de la base en 1963. Deux ans plus tard, c'est au tour de Bourguiba de se rendre au Caire. L’accueil est chaleureux, enthousiaste même. On lui déroule le tapis rouge. Nasser ne le quittera pas d’une semelle : il accompagne son hôte à l’université du Caire où il est fait docteur honoris causa, lui rend visite à l’ambassade de Tunisie au Caire, ce qu’il n’avait jamais été fait avec un président étranger avant de présider avec lui un meeting à Assouan.

La veille, on apprend que l’Allemagne fédérale a reconnu Israël et lui a livré des armes ainsi qu'une aide financière consistante. Le discours de Nasser est entièrement consacré à cette affaire. Devant une foule hystérique, il annonce, en représailles, la rupture des relations diplomatiques avec Bonn, appelle  les pays arabes à suivre son exemple et dénonce la duplicité de l’Allemagne et sa pusillanimité face aux Israéliens avant de donner la parole à son hôte dans l’espoir qu’il enchaînerait sur le même registre. C’était mal connaître Bourguiba. Il a toujours pensé « qu’un dirigeant ne devait jamais suivre son peuple, mais le précéder ». Il l’avait prouvé par le passé en appelant les Tunisiens, pourtant favorables aux forces de l’axe, à appuyer les alliés pendant la deuxième guerre mondiale, puis à se contenter de l’autonomie interne pour ensuite réclamer l’indépendance. De tous les leaders de ce qu'on appelait alors le Tiers-monde, il est le seul à n'avoir pas fait "le pèlerinage" à Moscou, ni à sacrifier à l'anti-américanisme ambiant, pressentant une fin sans gloire d'un système qui portait en lui les germes de sa propre destruction.  

Dans un silence de mort, il s'attachera à faire voler en éclats l’argumentaire de son hôte : « Il faut comprendre l’Allemagne a-t-il déclaré en substance. Elle nourrit un complexe de culpabilité  vis-à-vis des juifs. Elle est soumise à de très fortes pressions de la part des Etats Unis et des autres pays occidentaux. Pourquoi chercher à tout prix à l’humilier. Quant aux relations diplomatiques, il y a une centaine de pays qui ont reconnu et  entretiennent des relations avec Israël, allons-nous rompre avec eux. « De toutes les façons, concluait-il, l’Allemagne n’en mourra pas ».

Quelques heures plus tard, il s’envole pour Jeddah. Mais les  foules égyptiennes n’ont pas attendu son départ pour mettre à sac l’ambassade de Tunisie au Caire ainsi  que la résidence de l’ambassadeur,  Mohamed Badra. Le quotidien Akhbar El Youm titre « bouclez-là, Bourguiba»,  alors que le propagandiste en chef  du régime, Ahmed Saïd abreuve d’insultes Bourguiba le traitant de « fou dangereux », de « super espion » de « judas », sur les ondes de la radio Sawt El Arab (voix des arabes), une station dont on a peine à imaginer aujourd’hui l’influence (néfaste) qu’elle a exercée sur « les masses arabes » dans les années 50 et 60. Même le grand Mohamed Hassanein Heikal se joint à la curée :  « soit il est fou, soit il a partie liée avec l'Amérique ». La lune de miel entre Tunis et le Caire aura été de courte durée. A peine quatre ans. Et c'est de nouveau, la guerre des ondes, les campagnes de presse et la rupture des relations diplomatiques.

Bourguiba, un empêcheur de penser en rond

Si l’étape saoudienne s’est déroulée sans histoires, celle de Jordanie est très mouvementée. Visitant un camp de réfugiés à Jéricho (Ariha), le 3 mars 1965, il découvre « un spectacle indescriptible » qui lui fait prendre conscience « des responsabilités que les pays arabes n’avaient cessé d’assumer depuis la « nekba ». 
Au sommet de son art, « le combattant suprême » improvise un discours d’une cinquantaine de minutes qui met le monde arabe sens dessus-dessous. On ne compte plus les tentatives d'attenter à sa vie. Baghdad et Damas refusent de  le recevoir parce qu’ils ne pouvaient pas assurer sa sécurité.
Qu'a dit Bourguiba de si grave pour mériter tout ce tollé ?
Il propose le retour à « la légalité onusienne », au plan de partage de 1947-48, tout en mettant en garde son auditoire contre les  proclamations enflammées et grandiloquentes. « S’il apparaît que nos forces ne sont pas suffisantes pour anéantir l’ennemi ou le bouter hors de nos terres, nous n’avons aucun intérêt à l’ignorer, ou à le cacher », ajoute-t-il. 
« Il faut le proclamer haut. Force nous est alors de recourir, en même temps que se poursuit la lutte, aux moyens qui nous permettent de renforcer notre potentiel et de nous rapprocher de notre objectif par étapes successives. La guerre est faite de ruse et de finesse. L’art de la guerre s’appuie sur l’intelligence, il implique une stratégie, la mise en œuvre d’un processus méticuleusement réglé  ».
« Peu importe que la voie menant à l’objectif soit directe ou tortueuse. Le responsable de la bataille doit s’assurer du meilleur itinéraire conduisant au but. Parfois, l’exigence de la lutte impose contours et détours.
« Il est vrai que l’esprit s’accommode plus aisément de la ligne droite. Mais lorsque le leader s’aperçoit que cette ligne ne mène pas au but, il doit prendre un détour. Les militants à courte vue pourraient penser qu’il a abandonné la poursuite de l’objectif. Il lui revient alors de leur expliquer que ce détour est destiné à éviter l’obstacle que ses moyens réduits ne pouvaient lui permettre d’aborder de front. Une fois l’obstacle contourné, la marche reprend sur la grande route qui mène à la victoire.
« Plus d’un leader arabe s’est trouvé dans l’impossibilité d’agir de cette manière. Pourtant, notre défaite et l’arrêt de nos troupes aux frontières de la Palestine prouvent la déficience de notre commandement. L’impuissance des armées à arracher la victoire malgré l’enthousiasme des combattants était due à ce que les conditions de succès n’étaient pas réunies ».

Israël, une Sparte des temps modernes

Bourguiba est tout entier dans ces propos : gradualisme,  réalisme,  courage et clairvoyance. L'étape de Beyrouth lui permet de préciser sa pensée lors d'une conférence de presse mouvementée : « Les réfugiés sont entretenus à la fois dans des espérances chimériques et des haines stériles. Si je suis mal à l’aise dans la haine, ce n’est pas seulement parce que je méprise ce sentiment, mais parce que chez les Arabes, il empêche toute action lucide. C’est un alibi à l’inaction. On crie, on injurie, on lance des imprécations et on a ensuite l’impression de s’être délivré d’avoir accompli sa tâche ». 
Il parle de pragmatisme, de réalisme». Un journaliste l'apostrophe : « le réalisme consiste à tenir compte du fanatisme des foules ». C'était aussi la position de la plupart des dirigeants arabes de l'époque : « Je suis votre chef, donc je vous suis ». 
La politique populiste consiste à suivre la foule : vox populi, vox dei. Le peuple a toujours raison.

Tenus aujourd’hui, les propos de Bourguiba auraient été l'évidence même. En 1965, c’est un pavé dans la mare des certitudes. Bourguiba est ici parfaitement dans le rôle qui a toujours été le sien : un agitateur d'idées, un empêcheur de penser en rond, n'hésitant pas à prendre son auditoire à rebrousse poil, à fâcher, à désespérer même. Il a bien saisi la psychologie des foules arabes. Elles aiment les gens qui les font rêver, non ceux qui les font réfléchir. C'est la civilisation du verbe, le verbe qui tient lieu d'alibi à l'inaction, pour reprendre son expression. C'est cette mentalité qu'il a cherché à combattre au cours de son périple. Son objectif étant de provoquer un sursaut chez des Palestiniens dorlotés par des années de promesses jamais tenues.

Ce périple aurait pu marquer un tournant dans le conflit arabo-israélien. Mais Israël qui faisait figure de victime s'est révélé sous son vrai jour : un pays belliqueux, une sorte de Sparte des temps modernes. Après un temps de latence, les dirigeants israéliens minimisent la portée du discours de Bourguiba, expriment leurs doutes sur sa sincérité. Mais Abba Eban, son ministre des affaires étrangères, finira par jeter le masque : « mettre en oeuvre les résolutions de 47-48 reviendrait à essayer de reconstituer un œuf dont on a fait une omelette il y a 18 ans ». C'est un non catégorique aux propositions de Bourguiba. 

Mis en danger de paix, Israël s'en sort sans trop de dégâts. Il sera sauvé par les Arabes par leur refus des propositions qu'ils n'ont même pas pris la peine d'examiner, alors que le monde s'est montré plus réceptif à ses vues (en deux mois, Bourguiba aura accordé quarante interviews aux journaux occidentaux, selon Samuel Merlin). Un journaliste israélien commente : « une fois de plus Israël a été tiré d'une situation délicate grâce au manque de finesse politique des Arabes ».

Ah, si on avait écouté Bourguiba !

« Ah, si on avait suivi Bourguiba », s'est écrié un jour Lotf Kaddoumi, alias Farouk Kaddoumi compagnon de lutte de Yasser Arafat, on aurait sans doute fait l’économie de tant de guerres et de malheurs ». Mais l’histoire ne se fait pas avec des « si ». 

Curieusement, 50 ans après, aucune étude sérieuse sur ce pan de notre histoire n'a encore vu le jour en Tunisie. Seul un journaliste ... israélien, Samuel Merlin lui a consacré un livre de 500 pages, aujourd'hui épuisé (1).

En quittant la Cisjordanie, Bourguiba avait averti les Palestiniens : « Si vous continuez dans cette voie, vous en serez dans vingt ans, au même point ». Il était trop optimiste. 
Cinquante ans et deux guerres meurtrières après, les Arabes en sont à revendiquer non plus le retour aux frontières de  47, de 67 ou de 73, mais celles des accords d’Oslo en 93, sans grand espoir d'être entendus.


(1) Samuel Merlin, Guerre et paix au Moyen-Orient, édition Denoël Paris 1969

6 commentaires:

  1. Que reste-t-il de Bourguiba ?

    http://www.jeuneafrique.com/197585/politique/que-reste-t-il-de-bourguiba/

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  2. UN AMOUREUX DE LA TUNISIE, "REDÉCOUVRE" BOURGUIBA ... COMME TANT DE TUNISIENS, APRES AVOIR VU LES NAINS, CES COMPLEXÉS DE L'HISTOIRE, DÉTRUIRE TOUT CE QU'IL A CONSTRUIT !

    Il fut la chance de la Tunisie. Il est à craindre qu'il n'y en aura pas un autre de sitôt quand on voit le niveau politique et moral, de ceux qui prétendent lui succéder !!

    Jean-Pierre Ryf :

    J'ai terminé mon séjour tunisien en lisant la biographie de Bourguiba par mesdames Sophie Bessis et Souhair Belhassen.

    Après avoir salué la statue de Bourguiba sur l'Avenue Habib Bourguiba, j'ai pris par hasard pour mon retour en France, un avion qui portait le nom de Bourguiba !

    On va me dire que je suis "Bourguiba-maniaque" !!

    Après avoir lu cette biographie et comparé ce personnage avec les nains politiques actuels, je suis obligé de constater les faits.

    Quand je vois :
    - les combats menés, déjà contre l'obscurantisme,
    - les progrès accomplis sous sa direction, aujourd'hui gravement menacés,
    - la façon dont il a tenu tête aux puissants de l'époque alors que ceux d'aujourd'hui s’aplatissent devant, nous disent-ils, les diktats étrangers, ....

    Alors oui, je suis "Bourguiba-maniaque" et je conseillerai à tous les tunisiens, jeunes et moins jeunes, de lire cette belle biographie sérieuse et sans complaisance.

    https://www.amazon.fr/Bourguiba-Bessis-Sophie/dp/9973580443

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  3. BOURGUIBA, L'HOMME DES LUMIÈRES :

    " J'imposerai par la force de la loi, la liberté des femmes et leurs droits; car je n'attends rien d'un peuple culturellement machiste et phallocrate au nom de la religion, pour lui demander d'exprimer sa volonté démocratiquement sur de telles questions !"

    C'est ainsi qu'il avait accordé aux femmes le droit de vote bien avant la femme française !

    De même qu'il fut le premier à avoir instauré le planning familial en accordant aux femmes le droit à l'avortement pour ne plus subir les grossesses indésirées.
    Là aussi bien avant les femmes françaises.

    Comme il a accordé à la femme le droit au divorce par l'instauration du Code Civil la mettant sur le même pied d'égalité avec l'homme devant la loi.

    Et pour en faire une citoyenne pleine et entière pour assumer ses droits, il a imposé l'éducation des filles comme celle des garçons rendant l'enseignement obligatoire pour tous !!

    Un statut unique dans les pays dits "arabo-musulmans", qu'oublient les idiotes utiles aux islamistes, quand elles abdiquent tous leurs droits pour porter leur étendard obscurantiste aussi noir que leur esprit embrouillé de religiosité rétrograde !
    Il faut dire qu'elles n'ont pas lutté pour les avoir ces droits, pour en apprécier le champ de libertés qu'ils lui offraient !

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  4. LA DÉMOCRATIE BIEN COMPRISE ...

    Habib Bourguiba - 12.07.1968 :

    La démocratie est le stade suprême de l'évolution d'une société. Elle n'est pas donnée au départ mais vient tout naturellement lorsque les conditions qu'elle requiert sont réunies.

    Ces conditions sont à mon sens :

    - Un Etat moderne qui fonctionne et qui soit respecté par la population parceque respectable,
    - Une nation qui forme déjà un ensemble cohérent et solidaire,
    - Un peuple qui atteint un niveau d'éducation et un standard de vie tels qu'il puisse recevoir la démocratie, non pas comme un luxe dont on ne sait que faire, ou un jouet qu'on casse, mais comme un bien précieux, signe de maturité et moteur de progrès.

    PS : Bourguiba n'a pas su faire confiance à la jeunesse qu'il avait pourtant bien formée.
    Autrement dans les années 70 des tunisiens de bon niveau intellectuel, diplômés des meilleurs universités, étaient aptes à la démocratie ... si la maladie du président ne s'en était mêlée laissant le champ libre aux courtisans de le manipuler pour le nommer président à vie.

    Dommage !

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  5. UN ENFANT RECONNAISSANT A LA RÉPUBLIQUE DE BOURGUIBA !

    Son sort aurait été tout autre si les Frères musulmans étaient au pouvoir; puisque les miséreux ne sont bons que pour en faire de la chair à canon à expédier en tant que jihadistes dans les pays où les pétromonarques ont déclaré la guerre à leur président !

    Abdelaziz Belkhodja :
    24 juillet 2015

    Au café de l'aéroport, à la table d'à côté, un type a devant lui un livre en anglais dont je connais la version française. Il me voit, je lui désigne son livre et fait un signe, le pouce relevé, pour lui dire que c'est un bon bouquin.

    On échange quelques phrases, il vivait aux USA jusqu'en 2011. " - Ça a marché pour vous aux USA?", il me sort très naturellement : "- j'ai fait fortune". Je lui dis avec un sourire : "- quoi fortune?
    Il sourit, un sourire franc, et me lance "- two billions".

    J'arrête de sourire. Il se fout de moi ? Two billions, c'est 2000 millions de dollars! 4 milliards de dinars, pratiquement 2 fois le déficit de nos banques nationales !
    Je le regarde en attendant qu'il rigole, il ne bronche pas.
    Il doit avoir 42 ans grand max. Il a la mentalité américaine et pour lui l'argent n'est pas tabou.

    Je lui dit : " Vous avez 2 billions, et vous êtes venus vivre ici "?
    Il me répond, toujours très naturellement :
    - Je dois tout à la Tunisie. Je ne pouvais pas rester là bas.
    - Pourquoi vous lui devez tout à la Tunisie ?
    Et là, il me raconte une histoire extraordinaire.

    Il est issu d'une famille tellement pauvre qu'ils vivaient dans une grotte dans les montagnes du nord ouest !
    Un jour, dans les années 70, un ministre en visite de travail dans la région a entendu parler d'eux et a escaladé la montagne et découvert la misère noire dans la quelle ils vivaient.

    Quelques temps plus tard, ils ont été déplacés en ville, on leur a trouvé une maison, un métier pour le père, et les enfants ont été inscrits à l'école.

    Il était brillant et a réussi à l'INRAT, il a obtenu des bourses pour poursuivre ses études aux USA; et comme il était particulièrement brillant, des centres de recherche se le sont arrachés puis ses brevets l'ont enrichi de façon exponentielle ...

    Avant de mourir, son père lui a fait promettre de ne jamais oublier son pays qui l'avait extirpé de la misère.
    Et il avait tenu parole.

    Je lui ai demandé s'il regrettait d'être rentré. Il m'a dit que jamais il n'a été aussi heureux. " Demain, m'a-t-il dit, je vais aller faire visiter la grotte où je suis né à ma femme et mes enfants ".

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  6. 15 OCTOBRE : COMMEMORATION DE LA BATAILLE POUR L'EVACUATION DE BIZERTE.

    Sami Bourguiba :

    Rappel des faits :

    Durant sa visite à Bizerte le 23 avril 1887, en se promenant dans le lac de Bizerte, l'ancien Président du Conseil français Jules Ferry cria à ses compagnons : « Ce lac vaut, à lui seul, la possession de la Tunisie toute entière … Si la France s’est installée en Tunisie, c’est pour posséder Bizerte ! ». Pascal Venier - Genèse et développement de la base navale de Bizerte - Bizerte, « un Toulon africain » ?

    A deux reprises, la France coloniale promet l’émancipation de la Tunisie, puis se rétracte :
    - La France a menti à Bourguiba en 1936 durant l’embellie du front populaire.
    - La France a menti à Bourguiba en 1951 et le fait savoir dans la lettre du 15 décembre 1951.

    Instruit de ces graves mensonges, Bourguiba en politicien chevronné, pouvait-il encore croire la France sur parole quand elle prétend depuis 1956, quitter Bizerte un jour ou l'autre ?
    La France, cherche-t-elle à gagner du temps et laisser passer la vague de la décolonisation d'alors, pour organiser un référendum factice et s'approprier définitivement Bizerte ?

    A cet instant T où les décisions devaient être prises, l’erreur n’était pas permise : pouvait-il croire en la sincérité de De Gaulle ?

    Prenant acte des "déclarations" françaises sur le départ de la France de Bizerte, Bourguiba a demandé un calendrier planifiant ce départ. Il demande une date pour cette évacuation, afin de rétablir la confiance entre la Tunisie et la France !
    La France avait refusé catégoriquement.
    Pire : La France procéda même au rallongement de la piste d’atterrissage de Bizerte.
    En fallait-il plus pour que Bourguiba réagisse ?

    Bourguiba n'était pas né de la dernière pluie !
    Echaudé par deux mensonges, il ne s'était pas trompé sur les intentions de la France : sans son insistance, Bizerte aurait connu le sort des villes marocaines Sebta, Mellila, l'îlot de Leila ( à 200 mètres de la côte marocaine ! ), ou de celui de Gibraltar l’espagnole, qui demeurent colonisées encore de nos jours !

    Ainsi la bataille de Bizerte de 1961, se termina par l'évacuation du dernier soldat Français de Bizerte, le 15 octobre 1963.

    Sans sa perspicacité, Bourguiba serait encore sous les feux de la critique pour ne pas avoir été ferme avec le colonialisme.
    Critiqué surement par ceux-là mêmes qui lui reprochent, par calcul politique, cette fermeté !

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_de_Bizerte

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