mardi 3 novembre 2015

NIDAA TOUNES : PETITES AMBITIONS OU FRACTURE IDÉOLOGIQUE ?

Article paru dans : Kapitalis

Les événements récents, les images lamentables que l’on a vues et qui secouent Nidaa Tounes, doivent interpeller la société civile tunisienne. Elle confirme tout à fait l’idée dominante dans les réseaux sociaux, que ce parti est voué à l'échec ainsi que je ne cesse de le dire, avec d’autres, depuis son alliance avec les islamistes.

Doit-on, en effet, s’étonner de voir ces déchirements et cette violence ? Non, car ce parti n’a été constitué dès l’origine que par l’union de personnes venues de tous les horizons et qui n’ont été unis, un moment, que sur l’hostilité à la troïka et aux islamistes qui la dominaient. 
Et voilà que ce parti se tire une balle dans le pied en donnant à ses électeurs scandalisés, un spectacle affligeant !

Petites ambitions et/ou fracture idéologique

Il n’y a eu, doit-on le rappeler, aucun programme, aucune base politique sérieuse dans la constitution de ce mouvement dont le chef Béji Caïd Essebsi a habilement évité de passer par la case "congrès constitutif" pour lui donner plus de légitimité; ce qui aurait été une occasion de voter démocratiquement pour un programme et pour des hommes donnant ainsi au parti une assise plus solide. Ce parti a été porté par un homme, charismatique certes, mais sur la base d’une opposition aux islamistes, que Béji Caïd Essebsi avait confirmé lui-même sur tous les tons, bénéficiant de l'appel d'une grande partie de l'intelligentsia au vote utile.

Ce parti bien que encore nouvellement né, a surfé sur la vague du mécontentement de tous ceux qui refusent de voir les Frères musulmans au pouvoir; pour tout le mal qu'ils ont fait à la Tunisie. Il a été plébiscité à trois reprises, faut-il le rappeler ! 

Mais voilà à peine élu, il fait alliance avec celui contre lequel il était censé se battre !
Comment voulez-vous que cette trahison, quelque soit les explications laborieuses qu'on puisse en donner, n’entraîne pas des remous, des oppositions et des rivalités ?

Cependant une chose me frappe à la lecture des divers médias et des réseaux sociaux : Aucun ne se demande quelle est la véritable fracture idéologique des deux clans qui se battent à l'intérieur de ce parti. Serait-ce le signe que la fracture n’est guère idéologique et politique au sens noble du terme mais n’est qu’un combat, une rivalité de petites ambitions politiciennes ? Je crois, hélas, que ce n’est que cela et que cela était inévitable dans un parti sans colonne vertébrale, qui navigue à vue.

Dés lors ce qui me choque encore plus que ces épiphénomènes, c'est de constater que personne n'avance des idées et des projets pour justifier ces combats et je dois ajouter que dans cette affaire soit la presse soit les protagonistes ne remplissent pas leur rôle. La Presse devrait enquêter, rechercher et nous dire ce qu'il y a derrière cette division et ses violences : soit une fracture idéologique et de projet; soit une basse compétition pour le pouvoir. 

Quant aux protagonistes dont je n'arrive pas à croire qu'il n'y ait pas une différence de projet et dont certains refusent catégoriquement l'instrumentalisation de la religion par les partis islamistes tout autant que l'immense majorité des électeurs de Nidaa Tounes; ils se taisent et ne veulent pas s'avancer car s'avancer et parler c'est se couper d'un certain nombre de soutiens. Ce qui traduit un manque de courage politique, celui de ceux qui pensent qu'en louvoyant et en se camouflant, on peut ratisser large. Ce manque de courage est, hélas, très partagé. Sauf que cette attitude ne mènera à rien, qu'ils ne ratisseront rien et qu'ils perdront toute crédibilité aux yeux des Tunisiens. 

Un ramassis de petits ambitieux

Voilà ce qu'écrit, par exemple sur FaceBook, Chokri Mamoghli, un homme bien informé :
" Foutez-nous la paix avec vos histoires. Depuis que je suis à Nidaa, je n'ai pas assisté au début du commencement d'un débat sur les programmes, à un conflit idéologique et à des divergences de points de vue quant aux politiques à mener. Nidaa est une boite vide, où il n'y a que des courants d'air. Une usine à gaz où on ne fait que gesticuler. Nos rencontres sont des mascarades, un concours de grandes gueules qui viennent brailler et qui repartent toutes contentes de leurs effets de manches."
Et d'ajouter : " La plus grosse connerie que l'on puisse commettre est de penser que le conflit actuel, la guerre, la haine, les complots ourdis, sont le résultat d'une confrontation entre destouriens d'un côté et syndicalistes de l'autre. Une guerre entre deux écoles de pensées. Un conflit entre deux philosophies. Cela me fait marrer. Ces analyses " boudourou " (à deux balles), me font pitié. Il n'y a, il n'y a eu et il n'y aura que des histoires de personnes dont tout le monde a marre."

Et combien d'autres demandent sur le même réseau à être éclairés !

J’aurai mieux compris une division sur cette question essentielle de l’islamisme politique et j’aurai d’ailleurs soutenu ceux qui auraient décidé de faire scission pour s’opposer frontalement à cette alliance contre nature dont on voit bien, tous les jours, qu’elle paralyse le pays et le fait régresser : incapacité de mettre un terme à l’occupation des mosquées, projets de textes dénaturés pour plaire à l’allié islamiste, mise à sac de certains biens publics pour favoriser une finance dite islamique plus conforme au projet des Frères musulmans, aucun progrès dans l’ordre sociétal comme l’égalité dans les successions...

De reculade en débandade

Quelles suites y-a-t-il eu aux dénonciations du laxisme de la troïka, qui devinrent des promesses électorales pour ce parti et qu'il n'a pas tenues ? Faut-il les rappeler à ceux-là mêmes qui les posaient comme conditions pour le fameux  "dialogue national" ? Comment se fait-il que la neutralisation des mosquées pose toujours problème et qu'elles ne soient pas totalement expurgées des imams salafistes ? Qu'est devenue la révision des nominations dans l'Administration tunisienne effectuée au pas de charge par les deux gouvernements dominés par Ennahdha, et dont tout le monde s'accorde à dire qu'elles sont la cause de la paralysie des rouages de l'Etat ? Et que dire de "hibet eddawla" (prestige de l'Etat), leitmotiv des responsables politiques de Nidaa, quand on voit les reculades du gouvernement et le manque de soutien à ses ministres pour ne pas fâcher ses alliés islamistes ? Faut-il rappeler les arrestations de terroristes et d'imam salafiste utilisant les mosquées comme tribune politique en diffusant l'obscurantisme et la haine ... suivies de leur libération aussitôt, parce que Ghannouchi venait à leur secours; ce qui choquait et révoltait les tunisiens qui y perdent leur latin, ne comprenant plus le parti qu'ils ont porté en masse au pouvoir ?

Comment peut-on encore faire confiance à ce parti tel qu’il est devenu, dominé par un ramassis de petits ambitieux qui ne voient pas qu’ils sont en train de faire le lit des islamistes ?

Les Tunisiens se sont mobilisés massivement pour dégager les Frères musulmans d'Ennahdha; en plébiscitant à trois reprises Béji Caïd Essebsi et son parti Nidaa Tounes. Un an après, leur déception est immense de les voir dominés plus que jamais par Ennahdha ... tout comme l'étaient le CPR et Ettakatol qui formaient la troïka provisoire !


6 commentaires:

  1. LES FRÈRES MUSULMANS & LES CAÏD ESSEBSI :

    - BCE a rencontré Ghannouchi à Paris !
    - Son fils Hafedh a rencontré Erdogan en Turquie !!

    Les Frères musulmans ont-ils su "convaincre" le père et le fils de collaborer avec eux ?
    Que leur ont-ils proposé en échange ?

    NB : BCE verrait bien son fils monter sur le trône comme ZABA projetait d'y installer son gendre Sakhr El Matri pour lui succéder !

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  2. DIVISER, POUR MIEUX RÉGNER : Telle est la devise des Frères musulmans !
    Les nahdhaouis minent de l'intérieur tout parti émergeant qui risque de lui faire de l'ombre ... pour rester les maîtres du jeu !

    Le plus dramatique c'est que des hommes politiques qui se disent progressistes et démocrates jouent leur jeu, persuadés qu'ils sont incontournables !

    Ennahdha veut de Hafedh Caïd Essebsi à la tête de Nidaa pour qu'il soit un parti faible, servile et surtout pour que certains dossiers compromettants restent enterrés et sans suite.

    Les dossiers Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, ça vous dit quelque chose ?

    C'est de cette manière que les politicards manœuvrent et magouillent dans les coulisses pour se débarrasser de ce genre de dossiers.

    http://www.huffpostmaghreb.com/chedly-mamoghli-/hafedh-caied-essebsi-nest_b_8484090.html

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    1. Personne ne doutera de la facilité d'infiltration dont ils bénéficient grâce à l'argent de leurs bailleurs, mais ce dont on ne pourrait pas être certain c'est le gain facile, la victoire truquée, les enjeux incompatibles avec les intérêts du peuple. Il y aura bel et bien des conséquences à ce genre de comportement qui table sur des vétilles au lieu de primer la condition de notre existence dans un monde qui hostile et sans scrupules; je parle de ceux qui les instrumentalisent.

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  3. BCE ÉLÈVE DE BOURGUIBA : EST-CE ENCORE CRÉDIBLE ?

    Je n'arrive pas à comprendre BCE :
    - Il a trahi ses électeurs qu'il assurait d'être le rempart contre les Frères musulmans d'Ennahdha,
    - Il pactise avec Ghannouchi,
    - Il laisse Ghannouchi faire la pluie et le beau temps en Tunisie sans que son parti Nidaa ne bouge,
    - Ennahdha poursuit l'islamisation de la société tunisienne dans l'indifférence des responsables politiques de Nida Touness​,
    - Il pousse son fils pour en faire son héritier, pratiquant ouvertement un népotisme que les tunisiens croyaient révolu depuis le 14 janvier 2011; d'autant que tout le monde s'accorde à dire que c'est un nul de chez les nuls ...
    - Prenant le risque d'imploser le parti Nidaa que les tunisiens ont plébiscité par trois fois, persuadés qu'il sera leur rempart contre l'islamisme de Ghannouchi !

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  4. Un Caïd Essebsi en cache un autre : Quand le fils détruit l’oeuvre du père

    http://kapitalis.com/tunisie/2015/10/28/un-caid-essebsi-en-cache-un-autre-quand-le-fils-detruit-loeuvre-du-pere/

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  5. NIDAA TOUNES S'EFFRITE !
    Quel gâchis !!
    Dommage.

    Alors qu'il aurait suffi à ce parti, qui se dit démocrate, d'organiser un "congrès constitutif" où les candidats à sa présidence seront départagés sur leur programme; et celui qui sera élu pour le présider, détiendra sa légitimité des adhérents !

    Ils nous auraient épargné tout le cirque auquel nous assistons et nous auraient évité le népotisme du fondateur de ce parti, qui après avoir surfé sur une vague de mécontentement et de rejet des Frères musulmans pour connaître le succès qu'il a connu; a fini par croire que le parti est sa chose personnelle, transmissible à son fils !

    Cela laisse perplexe tout démocrate !!

    http://www.businessnews.com.tn/21-deputes-nidaa-tounes-signent-leur-demission-definitive-du-bloc,520,61167,3

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