dimanche 28 février 2016

On n'est pas arabe parcequ'arabophone

De plus en plus d'hommes et de femmes refusent d'être assimilés aux arabes parcequ'arabophones ! Ils dénoncent l'amalgame que font les médias, les journalistes, les politiques occidentaux qui, par ignorance, par manque de culture ou par simplification réductrice, usent d'un générique fourre-tout "arabo-musulman" où des peuples qui n'ont rien en commun, sinon la langue arabe ou la religion musulmane, se retrouvent réunis comme s'ils ne formaient qu'un seul peuple monolithique !
Après les Nord-Africains, voici que des Levantins aussi dénoncent cette supercherie pour dire STOP aux amalgames ethniques de peuples dits "arabo-musulmans".
R.B  
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Non, nous ne sommes pas des Arabes. 
Stop au mensonge, à la falsification, à l'hypocrisie et à la peur de dire la vérité !

La Syrien n’est pas Arabe, l’Irakien n’est pas Arabe, l'Egyptien n’est pas Arabe, le Libanais n’est pas Arabe, le Jordanien ni le Palestinien non plus.
Nous sommes des Levantins, nous sommes des Byzantins, des Syriaques, des Chaldéens, des Assyriens, des Coptes. Nous sommes les descendants d’Ebla et de la Mésopotamie, des Phéniciens, des Pharaons. Nous sommes du Levant ! 
Nous ne sommes pas des Arabes, assez de viol et de falsification de l’histoire, de la géographie, de la vérité et de la réalité.

Les Arabes se sont les peuples de la Péninsule Arabique ! 

Et par fidèlité à l’Histoire, nous rappelons qu’il y a des tribus arabes qui sont devenues chrétiennes. L’arabité de la minorité ne saurait se généraliser à la majorité Levantine qui n’a jamais été Arabe.
Même si nous sommes arabophones, cela ne veut pas dire que nous sommes des Arabes. l’Américain qui parle anglais n’est pas un Anglais pour autant, le Brésilien qui parle portugais n’est pas Portugais pour autant et l’Argentin qui parle espagnol n’est pas Espagnol pour autant. Ce sont des langues coloniales, héritées d’un passé colonial.

Même si nous parlons arabe, nous ne sommes pas des Arabes et ne ressemblons en rien aux Arabes, ni dans notre mode de pensée, ni dans le goût, ni non plus dans la civilisation. Eux,  leur  terre est le désert  alors que la nôtre est celle du lait, du miel, de la figue, de l’amande, de la pomme et du raisin. Nos ancêtres avaient cultivé la terre et s’y ont enracinés; alors que les Arabes sont des nomades, jamais enracinés nulle-part; puisqu'ils ne sèment ni ne cultivent leur terre.
Nos ancêtres avaient planté la vigne, fabriqué du vin et cultivé la musique, ils ont fait la fête, ils ont dansé, ils ont construit des civilisations et écrit des livres; les Arabes ne connaissent que les razzias, les guerres et le sang. Ils ont détruit les civilisations et brûlé des livres. Que ce soit dans l’Histoire ancienne ou dans l’Histoire contemporaine, nous ne leur ressemblons en rien. Notre passé est fait d’épopées, de science et de gloire; le leur n'est qu'une suite de trahisons. 

Les musulmans de mon pays sont des musulmans qui aiment la vie; alors que les Arabes sont élevés dans la haine jusqu'au nihilisme. Notre passé est riche d'une civilisation, nourrie de science, de littérature, de musique, de poésie; leur passé n'est fait que de sang, d’invasions, de haine et de convoitises.
Celui qui est devenu musulman dans mon pays, après l’invasion arabe, a conservé ses traditions et ses coutumes. Celui qui a adopté notre pays pour y vivre parmi nous, est devenu l’un des nôtres, nous avons mangé ensemble, dansé ensemble, ri ensemble et pleuré ensemble; mais les Arabes ne changeront jamais. Quatorze siècles depuis l’avènement de l'islam en Arabie, et ils n'ont toujours pas évolué. Ne pouvant changer, ils ont détruit notre pays, notre patrimoine, la coexistence pacifique avec les musulmans de mon pays et tentent de nous détruire. Même le musulman Levantin est dégoûté par les Arabes.

Nous avons instruit et éduqué leurs enfants, construit leurs villes, leurs hôpitaux et leurs universités et préservé leur langue. Si nous ne l’avions pas fait en les abandonnant à leur sort et à Dieu, leur destin serait aussi noir que leur pétrole.

Nous étions un pont entre eux et l’Occident et ils sont devenus un outil entre ses mains pour détruire notre identité. Leur passé barbare et fait d’humiliation et de fractures. Ont-ils eu une seule victoire à eux dont ils pourraient se glorifier ? Leurs victoires se réduisent à l’anéantissement de l’Autre, le frère anéantissant son frère, le fils anéantissant son père pour le pouvoir ou pour une femme ou  pour un chameau ou encore pour un âne. 

L’Occident les a écrasés, celui-là même qu'ils traitent d’infidèle. Pourtant ils lèchent les bottes de ses dirigeants pour qu’ils préservent leurs trônes au prix d'une main mise sur les hydrocarbures dont ils se partagent les revenus qu'ils placent dans les banques en Occident, volant et spoliant les peuples arabes.  

On en a assez d'être assimilés à eux. Désormais, il faut en finir avec cette légende fourre-tout de "peuples arabo-musulmans". Il faut dénoncer cette supercherie qu'ils entretiennent avec la complicité des occidentaux.

Messieurs les arabisants et les passionnés de l’arabisme, vous qui vous targuez de votre arabité, n'oubliez pas la lâcheté des Arabes et le massacre des peuples qu'ils ont commis. N'oubliez pas les peuples dispersés dont ils ont détruit le passé et peut-être même l’avenir, au nom de l’arabisme !

Traduit par R.B

vendredi 26 février 2016

Kamel Daoud dérange le confortable angélisme des occidentaux sur l'islam

Sifaoui : “ Il n’y a pas pire islamophobe qu’un islamophile inculte ”


L’intelligentsia française tout comme les peintres orientalistes de l'époque coloniale, refusent de voir l' "Orient" dans sa réalité, préférant l'enjoliver pour en donner une image plus rassurante à leurs contemporains. D'où leur aveuglement face au wahhabisme qui s'installe en France et leur tolérance pour les Frères musulmans dont ils estiment l'islamisme "modéré", compatible avec la laïcité  et soluble dans la démocratie !
R.B  

Fawzia Zouari


Polémique : pourquoi Kamel Daoud a raison


Hier porté au pinacle, l'écrivain et chroniqueur algérien Kamel Daoud est désormais cloué au pilori.
Pourquoi ? Parce qu’il a osé affirmer que les viols perpétrés à Cologne par des immigrés issus du monde arabo-musulman sont la conséquence logique d’une tradition portée sur la répression sexuelle et génératrice de frustration chez les jeunes. Que n’a-t-il dit ! Culturalisme radical, clichés orientalistes, islamophobie, en a conclu un collectif d’intellectuels dans les colonnes du quotidien français Le Monde. Une fatwa de plus contre l’Algérien, qui, déjà visé par les barbus, a décidé de jeter l’éponge et d’abandonner le journalisme.
Contents, les intellectuels de Paris, vous qui observez nos sociétés de vos balcons et les jugez à l’aune de vos théories ? Je vous défie de démontrer le contraire de ce qu’affirme Kamel Daoud, qui, lui, vit sur le terrain, observe quotidiennement un monde où les femmes doivent arriver vierges chez leurs maris et où les célibataires sont rendus fous par la misère sexuelle, subit cette loi qui ne permet ni à l’homme ni à la femme d’avoir des relations physiques hors mariage. De quel droit lui déniez-vous la liberté de dénoncer un puritanisme réel et le courage de souligner les travers des siens ?
Il faut un « débat apaisé et approfondi », allègue ce collectif bon teint. C’est-à-dire ? Renoncer à franchir la ligne rouge en soutenant, comme le fait Daoud, que, oui, il existe une psychologie de la foule arabe ; oui, nous trimbalons une mentalité millénaire qui définit la femme comme un appât et une honte ; oui, il y a chez nous un rapport pathologique à la sexualité ; oui, il y a un racisme qui insinue qu’on peut violer une non-musulmane sans conséquences ; oui, certains nouveaux arrivants en Europe doivent se faire à l’égalité des sexes et à la laïcité !
N’en déplaise à nos avocats autoproclamés, de plus en plus d’intellectuels arabes refusent la vision d’un Orient lisse et innocent aussi erronée que celle d’un Orient obscurantiste et haineux. Ils ne veulent plus jouer les admirateurs béats de leurs propres traditions et de leur religion. Ni devenir les otages d’un monde occidental traumatisé par l’accusation d’islamophobie et plombé par les scrupules d’une gauche qui va jusqu’à leur dénier le droit d’aimer dans l’Occident l’espace de liberté et d’émancipation auquel ils aspirent. Bien sûr, ils n’ignorent pas que l’Europe traîne son lot de violences, d’inégalités et de viols. Mais ils pensent que cela ne peut justifier leurs propres dérives.
Kamel Daoud dérange le confortable angélisme sur l’islam et les musulmans. S’il paraît « essentialiste » aux yeux de certains, il est « essentiel » pour nos sociétés prises au piège du conservatisme et de la bigoterie. Et il ne déteste pas sa culture ni ne souffre d’un déni d’identité, comme l’imaginent ses détracteurs. Non. Il s’inscrit dans une autre lignée de musulmans : celle des écrivains rebelles et des penseurs du doute qui travaillent à desserrer l’étau du dogme et à faire naître l’individu musulman. Celle que nos signataires du Monde viennent d’acculer au silence. 
Voilà comment on fait de l’islamisme comme Monsieur Jourdain de la prose…







jeudi 25 février 2016

Al Sissi, déçoit la jeunesse égyptienne

Ahmed Naji
Ahmed Naji

SOUTIEN AU JOURNALISTE ET BLOGUEUR ÉGYPTIEN AHMED NAJI

Le journaliste et blogueur égyptien Ahmed Naji, qui accompagne dans le livre « Génération Tahrir » (Le Bec en l’Air – 2016) les photographies de Pauline Beugnies par un très beau texte, est en prison depuis le samedi 20 février 2016. Condamnation pour « Outrage à la pudeur » suite à la publication d’un texte au contenu légèrement érotique en 2014, « L’usage de la vie », texte qui avait pourtant reçu l’aval de la censure avant sa publication. Il a été condamné, en attendant la révision de son procès, à deux ans de prison ferme, le maximum pour ce type d’affaire.
Selon Le Monde, « les condamnations d’artistes, d’auteurs et de journalistes pour outrage à l’islam ou à la morale se sont multipliées depuis deux ans. Fin janvier, la poétesse Fatima Naoot a été condamnée à trois ans de prison pour avoir critiqué sur le réseau social Facebook l’abattage des animaux pendant les fêtes musulmanes de l’Aïd. En décembre 2015, la cour d’appel a confirmé une peine d’un an de prison contre Islam Al-Beheiry, qui avait appelé à la télévision à retirer les textes religieux faisant la promotion de l’extrémisme. »
Lors de la venue de « Génération Tahrir » à Marseille, nous avions demandé à Ahmed de lire quelques extraits de « Adieu Jeunesse », texte qui accompagne Génération Tahrir, en studio, en arabe. Son écoute et sa lecture sont encore plus bouleversantes aujourd’hui (l’entretien complet avec Pauline et Ahmed est écoutable ici).

ADIEU JEUNESSE

J’ai vu le monstre pour la première fois en 2005, c’était au centre-ville du Caire, devant les marches du syndicat des journalistes où s’étaient rassemblés des dizaines de jeunes gens, hommes et femmes, criant « kifaya ! » (ça suffit !). Le monstre est sorti des voitures de police. Il était habillé en uniforme militaire, parfois en civil, et s’en est pris aux manifestants. Il y a eu des coups. Les hommes ont été traînés par terre et les filles ont eu leurs vêtements arrachés en pleine rue. Ce fut un sacré choc. On s’est dit que le monstre ne pourrait pas nous infliger pire que ça.
On s’est imaginé qu’avec de l’amour, et en encourageant les autres à nous rejoindre, on parviendrait à être plus nombreux, à passer des quelques centaines que nous étions à plusieurs centaines de milliers, voire des millions. C’est comme ça qu’on viendrait à bout du monstre. La jeunesse est naïve, son orgueil est fait de bons sentiments et d’un cœur pur.
[…] « Vivez la vie de vos parents », disent les zombies. La vie de nos parents, bien décrite par Shadi Abdessalam dans son film La Momie, est une vie d’hyène. La fille se doit de marcher les épaules rentrées, la tête baissée, et ne doit regarder à gauche ou à droite sous aucun prétexte. Elle doit se laisser draguer et harceler sans broncher, et quand elle refuse de se soumettre aux harcèlements collectifs en pleine ville, les zombies accusent la victime d’avoir usé de ses charmes pour séduire les criminels. Quand il y a eu des manifestations contre la torture policière, des voix ont crié qu’on voulait discréditer la police. Les manifestations ont pris de l’ampleur, puis elles ont commencé à réclamer le départ des zombies et de leur chef, le grand maître en teinture capillaire. Les zombies se sont rassemblés pour s’adresser aux jeunes : « Cher frère, fais comme si c’était ton père. »
Enthousiasme, hypersensibilité, fougue sont des attributs de la jeunesse. Ce trop de sensibilité peut aussi bien servir de combustible à la révolution, faire battre le sang dans les veines des foules en furie, que susciter des sentiments de clémence, de pitié et de tendresse. Grâce à cette sensibilité, la période qui a suivi la révolution a été guidée par le désir de réhabiliter les victimes de la répression et de venger leur mort. Mais c’est aussi à cause d’elle que les fils ne tueront pas leurs pères-zombies. Dans plusieurs photos de Pauline, on peut voir des conversations animées entre filles et mères, jeunes et vieux. Les photos ne transmettent pas le son, le bruit des discussions et les cris des désaccords, mais elles montrent bien à quel point l’autorité des pères zombies est forte, à quel point cette jeune génération reste prisonnière de ses sentiments.
J’ai connu des jeunes, filles et garçons, qui descendaient dans la rue, brûlaient des pneus et se mettaient en première ligne pour en découdre avec les criminels de la police mais qui, au moment où leur téléphone sonnait, se sauvaient à la recherche d’un coin plus calme pour parler à leur mère : « Je vais bien, je suis loin du grabuge. » Comment peut-on croire que la révolte est une réalité virtuelle qui peut être créée artificiellement à l’intérieur d’une bulle, loin du quotidien et de la famille ? J’ai connu des militants pour le droit des homosexuels qui avaient le courage de s’affirmer dans la société égyptienne, qui pouvaient débattre devant des juges ou au milieu d’officiers de police, mais qui étaient incapables d’assumer leur homosexualité devant leur mère ou leur père. J’ai des amies qui encaissaient les balles en caoutchouc sans baisser leur majeur tendu en direction de la police, mais qui fondaient en larmes face aux pressions de la société, de la famille, et devant la difficulté à se projeter dans une vie n’impliquant ni mariage, ni procréation ou intégration dans le cycle de production des zombies.
Cette lâcheté, ce manque de tranchant, explique pourquoi cette génération a toujours fait des demi-choix, attrapant le bâton par le milieu avant que les pères ne le leur prennent des mains. « Applaudissez l’islam du juste milieu, votez pour Mohamed Morsi », nous ont dit les jeunes islamistes. « L’islam est une affaire d’identité, une belle religion du juste milieu qui peut coexister avec la démocratie. La laïcité n’a rien à voir avec notre identité nationale. » Et puis les vieux zombies sont réapparus, ils ont dit qu’il n’y avait aucune différence entre Daech, les meurtriers de Syrie et nous. Puisqu’on était leurs frères, on dirait sans doute bientôt que c’étaient des moudjahidin, on n’avait donc qu’à les rejoindre et combattre à leurs côtés, on nous y enverrait. La jeunesse de l’élite urbaine s’est ensuite précipitée dans les bras de l’alliance civile dirigée par un général de l’armée. Ils ont voulu nous convaincre que Sissi avait des yeux brillants d’amour et de chaleur, qu’il sauverait la patrie en donnant à l’Égypte un État civil, étape importante sur la voie de la laïcité. Le général a interdit tout débat, toute parole, et nous a jetés en prison. Ceux qui restaient ont été brûlés sur les places publiques et aux portes des stades.
Le général n’était pas particulièrement intelligent, mais les cheikhs du Golfe le soutenaient en coulisses – eux, les concessionnaires pour les dieux grecs dans la région. Les cheikhs, les zombies et le président ont décidé de ne même plus laisser d’espace virtuel aux jeunes. Internet a été soumis à la censure. Aujourd’hui un seul petit tweet peut conduire en prison. Ils ont injecté des centaines de millions pour transformer Internet en une galerie marchande géante dont ils contrôlent le contenu via des entreprises et des équipes de « social media » qui manipulent l’indexation des sujets en ligne. Ainsi, quand apparaît une nouvelle histoire de torture dans les prisons égyptiennes, elle est rapidement éclipsée par le nombre de clics sur des articles concernant la dernière métamorphose du derrière de Kim Kardashian.
Il y a quelques semaines, j’ai commencé à ressentir une douleur diffuse mais persistante au testicule gauche. Quand je suis allé voir le médecin, il m’a dit que je souffrais de varices testiculaires. Je dois éviter les stations debout trop prolongées, limiter mes rapports sexuels et ne pas m’exposer à des érections trop longues. Je lui ai demandé à quoi c’était dû et, sans lever les yeux de ses papiers, il m’a répondu avec une simplicité désarmante : « C’est héréditaire généralement, sinon le vieillissement joue aussi. »
Pas d’érections trop prolongées pour cette génération à compter de ce jour. Nous voilà dispersés de par le monde. Certains sont en prison, d’autres en exil, d’autres encore s’apprêtent à se noyer au large des côtes européennes, ou tentent de s’arracher à cet enfer et de rejoindre le paradis promis en se fabriquant un escalier de têtes coupées qui les conduit jusqu’à Dieu. Ceux qui restent ont réussi à se faire une petite place. En écartant quelques vieux cadavres, ils parviennent à jouer leur rôle de zombie, ils passent à la télé où ils représentent la jeunesse, prennent des selfies avec d’éminents généraux-zombies et de non moins éminents cheikhs-zombies. Ils rivalisent pour ramasser les miettes que leur jettent de temps en temps l’émir ou le cheikh du Golfe.
Le moment est venu de produire des documents et des archives, d’enregistrer ce qui s’est passé. Ensuite, il faudra faire ses adieux au passé et à la jeunesse. Disons adieu aux peines et aux fantômes. Cherchons, de l’intérieur, une révolution, une trajectoire nouvelle. Le pire danger serait de s’abandonner à la nostalgie, de rester collé à des principes et à de vieilles idées, de s’imaginer qu’il existe un âge d’or, un moment de pureté dans le passé et qu’on peut le retrouver. Le pire de tout, ce serait de sacraliser une image donnée. Car n’importe lequel de tes choix, s’il te conduit à idolâtrer quoi que ce soit, même si c’est la révolution, les martyrs ou les valeurs supérieures de l’idéologie, peut te transformer en zombie sans que tu ne t’en rendes compte.
Ahmed Naji
Traduit de l’arabe (Égypte) par Lotfi Nia
Quelques articles sur la condamnation d’Ahmed Naji : sur RFI.fr, sur MadaMasr, sur The Daily Beast.

La pétition en soutien à Ahmed Naji est à signer par ici.



Ce qui est arrivé au Pakistan, peut se produire dans les pays du "printemps arabe"

Les pays du "printemps arabes", aussi bien que les occidentaux, tireront-ils la leçon du Pakistan ? Voilà un pays passé d'un régime laïque à un régime islamiste avec la complicité des américains et celle de leurs protégés les Ibn Saoud, qui y ont exporté le wahhabisme qui a remplacé toutes les autres obédiences traditionnelles des pakistanais; jusqu'à produire et exporter dans le monde, les fameux talibans. 
Les Frères musulmans sont en passe de faire de même en Turquie où Erdogan tente d’amender la constitution pour en finir avec la laïcité. 
Et en Tunisie, le Qatar compte sur Ghannouchi pour islamiser le pays et y répandre le wahhabisme. 
R.B
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Interview de Taslima Nasreen 

Ne m’appelez pas musulmane, je suis une athée

L’auteure Bengalie en exil Taslima Nasreen appelle à juguler le fondamentalisme religieux, affirmant que la critique de la religion n’est pas la chasse gardée des seuls intellectuels non-musulmans.
Née au Bengladesh en 1962, d’abord médecin gynécologue exerçant dans un hôpital public, puis écrivain, Taslima Nasreen est menacée par les fondamentalistes islamiques à la suite de la publication de son premier roman Lajja (La Honte), qui dénonce l’oppression dans laquelle vit la communauté indoue au Bengladesh.
Humaniste, féministe, et laïque, elle reçoit des prix prestigieux, parmi lesquels le Prix « Sakharov pour la liberté de pensée », décerné par le Parlement européen en 1994, tandis que des fondamentalistes brûlent ses livres et réclament sa pendaison. Cette même année, Taslima Nasreen fuit son pays après qu’une fatwa a été lancée contre elle pour avoir critiqué l’Islam au Bengladesh. Elle vit depuis en exil.
Quelques publications : 1993 : « La Honte » – 1998 : « Un destin de femme » – 2003 : « Vent en rafales » – 2005 : « Rumeurs de haine » – 2008 : « De ma prison »
Son pays a, ces derniers temps, vu de nombreux intellectuels être expulsés ou tués. Rajib Ahmed Haider, un blogueur athée qui écrivait sous le nom de Thaba Baba, a été assassiné après les manifestations
Shahbag en 2013. En février de cette année, le blogueur athée Avijit Roy a été tué à Dhaka par des groupes extrémistes pour ses écrits sur le blog Bangla Mukto-Mona (Libre Penseur) qu’il a fondé.
Dans une interview avec Suvojit Bagchi, elle parle de l’espace d’expression des libres penseurs au Bangladesh, qui ne cesse de s’amenuiser, et affirme que l’Islam ne peut pas être exempté de l’examen critique par lequel sont passées les autres religions.
Suvojit Bagchi : Parlez-nous un peu de Avijit Roy.

Taslima Nasreen : Je connaissais Avijit depuis longtemps. Il a commencé Mukto-Mona pour accueillir des publications d’athées et d’humanistes, car la presse ne diffusait pas leurs travaux. Avijit était un blogueur-chercheur et un libre penseur, athée et rationaliste, qui voulait offrir un espace pour disséquer et débattre sur ces thèmes. Plus tard, il a fait de ces espaces de réflexion des livres.
Mukto-Mona est devenu une fenêtre ouverte grâce à laquelle les gens peuvent observer et questionner toutes les religions, y compris l’Islam. Au Bangladesh, pendant un temps, l’espace pour les libres penseurs était en train de se recroqueviller. Avijit lui a redonné de l’ampleur avec cette nouvelle plate-forme … c’est précisément pour cela que sa contribution est remarquable.

Suvojit Bagchi : Quand et comment exactement cet espace pour les libres penseurs a-t-il commencé à décroître ?

Taslima Nasreen :  Le changement s’est amorcé à l’époque du général Ershad Hussain au milieu des années 1980. Quand un amendement à la constitution laïque est voté pour faire de l’Islam, la religion d’État. J’avais été témoin du mouvement de masse de 1969, du nouvellement indépendant du pays des années 70 … les situations étaient alors différentes. Les gens pouvaient exprimer leur opinion et les femmes ne portaient quasiment pas le hijab ou la burqa. Mais la société a lentement évolué. Par exemple, tout ce que j’ai écrit dans les années 1980, début des années 90 – critiquant l’Islam et la condition des femmes dans les sociétés islamiques – a été publié dans les journaux à grand tirage. Mais cela ne peut s’imaginer aujourd’hui. La liberté d’expression est un terme étranger maintenant.

Suvojit Bagchi : Pourquoi ce changement ?

Taslima Nasreen :  La communauté progressiste est en partie responsable. Lorsque j’ai été expulsée en 1994, l’ensemble de la société s’est tue. Si cette communauté s’était levée, le Bangladesh n’aurait pas eu une société dans laquelle un Avijit est assassiné, un Humayun Azad ciblé ou un Rajib Ahmed Haider tué pour avoir critiqué l’islam. Peut-être le point d’achoppement au Bangladesh est de savoir si le pays a pour base la langue ou la religion.

Suvojit Bagchi : Comment cela peut-il être résolu ?

Taslima Nasreen :   « Nous devons arrêter la lapidation à mort des femmes au nom de la religion. Les lois devraient être fondées sur l’égalité, pas sur la religion  ».
Le Bangladesh est né sur l’idée d’une nation bengalie laïque. Depuis 1952, les Bengalis musulmans, hindous, bouddhistes et chrétiens ont choisi comme langue officielle le bengali, pas l’ourdou (n.b. : l’ourdou est la langue nationale du Pakistan mais aussi la langue officielle de 22 pays de l’Union Indienne). Les personnes qui s’opposaient à notre indépendance, avec l’armée pakistanaise, ont tué plus de trois millions de Bengalis en 1971 et sont maintenant impliqués dans l’islamisation du Bangladesh. Ils tuent les libres penseurs et les intellectuels. Le Pakistan est aujourd’hui une nation fondée sur la religion. Mais la constitution du Bangladesh doit rester laïque, et l’état séparé de la religion. Nous devons avoir une éducation laïque plutôt que l’éducation par les madrassas (écoles religieuses). Le gouvernement ne doit pas laisser le pays devenir un refuge pour les extrémistes religieux.

Suvojit Bagchi : Les gens disent que votre critique de la religion est un peu excessive et provocatrice.

Taslima Nasreen :   J’ai dit que la religion opprime les femmes. Les lois devraient être fondées sur l’égalité, pas sur la religion; les femmes doivent avoir les mêmes droits dans le mariage, le divorce, la garde des enfants et l’héritage. J’ai dit que nous devons arrêter la lapidation à mort des femmes au nom de la religion. Est-ce que c’est de la provocation ? Chaque état civilisé a mis en doute la relation de l’État avec la religion, les distanciant et allant même jusqu’à les séparer. L’Islam ne doit pas être exempté de l’examen critique que les autres religions ont vécu. Mon opinion est fondée sur ma croyance en l’humanisme séculier. Si cela est provocateur, alors il est absolument nécessaire de provoquer.

Suvojit Bagchi : Mais il est souvent dit que vos écrits renforcent le fondamentalisme.

Taslima Nasreen :  Les gouvernements renforcent le fondamentalisme, pas moi. Lorsque des fanatiques religieux mettent ma tête à prix, au lieu de prendre des mesures contre eux, le gouvernement m’expulse. La Ligue Awami et le Parti nationaliste du Bangladesh se sont unis à ces forces et ainsi de former le gouvernement intérimaire. Même dans le Bengale occidental, le Parti communiste de l’Inde (marxiste) dirigé par le gouvernement m’a expulsée ; l’imam de la mosquée Barkati Tipu Sultan, qui a fait monter les enchères sur ma tête, était adoré par les marxistes.

Suvojit Bagchi : Une autre allégation est que, par des déclarations contre l’Islam, vous renforcez l’aile droite en Inde.

Taslima Nasreen :  Non-sens absolu. Je critique toutes les religions, y compris l’hindouisme. Je me suis opposée aux gourous hindous, aux rituels tels que karva chauth et Shivaratri, et j’ai condamné l’oppression des Musulmans dans le Gujarat. J’ai fait don Rs.10,000 au poète Shankha Ghosh, qui recueille des fonds pour la réhabilitation des victimes des émeutes du Gujarat. Je me suis opposée à l’oppression des Hindous au Bangladesh, des Juifs en Allemagne, des Musulmans en Bosnie, en Palestine et des Chrétiens au Pakistan. J’ai écrit aussi en faveur de films tels que PK, l’eau et La Dernière Tentation du Christ. S’il vous plaît ne m’appelez pas musulmane, je suis une athée.

Suvojit Bagchi : Lorsque la rationaliste indienne Narendra Dabholkar et le leader IPC Govind Pansare ont été tués, vous êtes restée silencieuse.

Taslima Nasreen :  Qui vous a dit ça ? Vous devriez vérifier mon compte Twitter pour connaître mes réactions et comment les éléments de la droite hindoue ont exploité ce moment. Cependant, il est vrai que je considère que le fondamentalisme islamique est une plus grande menace.

Suvojit Bagchi : Comme le font de nombreux pays occidentaux …

Taslima Nasreen :  Seul le monde occidental penserait que le fondamentalisme islamique est dangereux ? C’est plutôt le contraire – l’Occident côtoie volontiers les islamistes.

Suvojit Bagchi : En tant qu’écrivain musulman, votre travail reflète souvent la paranoïa de l’Occident sur l’Islam. L’Occident vous oblige-t-il à dire ce qu’il veut ?

Taslima Nasreen :  Dites-vous que les Musulmans ne peuvent pas avoir leur propre esprit critique vis-à-vis de leur religion ? La critique de la religion est-elle un domaine réservé aux intellectuels non-Musulmans ? C’est une remarque « anti-Musulman », sérieusement.

Suvojit Bagchi : Quel pourrait être l’avenir du Bangladesh ?

Taslima Nasreen :
 Le pays va vers un désastre complet si les terroristes islamiques ne sont pas traduits en justice. Toutefois, étant donné la conjoncture, rien ne se passera et ces incidents vont augmenter dans les prochains mois, car ils sont intrinsèquement liés à la politique.

Le nouveau "vivre ensemble" selon les Frères musulmans

Un élu socialiste découvre l'Amérique ! Ce qu'il appelle "le vivre ensemble", n'est-ce pas la laïcité que son parti a mise à mal ? En cosignant ce papier, sait-il qu'il le fait avec un frère musulman dont l'association est financée par le Qatar dont l'émir protège la confrérie ? Inconscience, naïveté ou complicité avec cette confrérie ? Autrement en quoi consisterait la "nouvelle" laïcité : est-ce de faire une place au wahhabisme envahissant des pétromonarque, pour remplacer l'islam de France issu de ses anciennes colonies ? Est-ce d'accepter les accoutrements liés à cette doctrine et que portent les adeptes tel un étendard de leur parti politique qui ne dit pas son nom ? Est-ce de multiplier les brèche dans les règles du vivre ensembles acquises après de longues batailles contre l'église pour lui faire admettre la séparation du politique de la religion ? Brèches provoquées par les incessantes réclamations de la part des Frères musulmans auxquels les responsables politiques de droite comme de gauche ne refusent rien, pour ne pas froisser le grand ami qatari de la France : telle que les horaires aménagées dans les piscines, les menus halal dans les cantines, les consultations pour les femmes par des médecins femmes dans les hôpitaux ... et si des lois interdisent le port de burqa et autres déguisements en public, ces mêmes responsables politiques ne les appliquent pas courant après les voix des Frères musulmans et leurs sympathisants parmi les nouveaux convertis au wahhabisme !
Sait-il seulement que ce faisant, il joue le jeu des Frères musulmans qui pratiquent la "taqyia" *** pour avancer dans un milieu hostile, en usant du double langage ? Sait-il que les Frères musulmans jouent de la peur de Daech, auprès desquels leur islamisme ne peut être que "modéré" ?
Ce que fait Ghannouchi en Tunisie quand il pousse la "taqyia" jusqu'à nier son appartenance à l'organisation internationale des Frères musulmans pour rassurer les occidentaux ... multipliant le double langage quand il assure les tunisiens de son attachement à la République et au bourguibisme; alors qu'il n'y a pas si longtemps il diabolisait Bourguiba et appelait de ses voeux le Califat !  
R.B
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un droit des minorités religieuses, construisons notre vivre ensemble

1. Daech veut détruire notre espace de coexistence
L'Europe et le monde arabe font aujourd'hui face au même défi terroriste. Que ce soit Daech, AQMI, al-Mourabitoune ou Boko Haram, tous ces groupes de terreurs possèdent un objectif commun : celui de la division, celui de la lutte de tous contre tous, bref celui de détruire ce qui fait le fondement même de nos sociétés : notre capacité à vivre ensemble. Les attentats du 13 novembre ont tenté de semer la suspicion entre les français et la population musulmane française et dans le même ordre d'idée, en Syrie et en Irak, Daech a manipulé opportunément l'antagonisme entre les sunnites et les chiites pour l'exacerber à outrance.
Au final, ces terroristes ne sont pas loin dans leur schéma de pensée des néoconservateurs qui considérait la planète comme une vaste plaque tectonique où les civilisations, homogène et imperméable les unes des autres, s'entrechoquaient, toujours violemment. À la différence près que les terroristes islamistes ne prennent pas ce choc pour un état de fait mais veulent en faire une réalité en détruisant ce que l'on appelle les zones grises, ces zones où coexistent les différentes populations, les différentes religions.
Il est urgent d'agir car nos ennemis sont à l’affût. Daech dispose d'un budget de 3 milliards de dollars annuellement grâce à la contrebande de pétrole et d'œuvre d'art, face auxquelles beaucoup reste à faire. Un budget qui alimente les actions terroristes mais aussi la propagande de cette organisation à travers de nombreux sites internet ou bien leur revue à large diffusion Daquib.
2. Face à l'Islam radicalisée, favoriser un Islam réformateur
Comment permettre ce vivre-ensemble contre ses attaques incessantes? D'abord en nous rendant compte qu'il y a aujourd'hui un rapport au sein de l'Islam entre les courants les plus rigoristes et les courants les plus réformateurs. A l'opposé de cette vision du monde en noir et blanc, système de penser délétère où autrui est forcément un mécréant et où le principe de tolérance n'existe pas, il existe des courants qui se réclame d'un Islam du juste milieu, entre religion et respect des traditions.
Ces courants réformateurs tirent leur substance de la Charte de Médine, véritable manifeste pour la cohabitation pacifique des religions, un manifeste pour que l'ensemble des minorités puisse se réunir avec la majorité pour former société. En parallèle, ils s'appuient sur le dogme ash'arite, le principe religieux le plus opposé à Daech car avec celui-ci nul ne peut être jugé pour pratiquer une autre religion. Le rite malékite ensuite qui allie tradition locale et pratique religieuse et enfin le soufisme qui prône l'inviolabilité d'autrui. Voilà les piliers de cet Islam du juste milieu dont les représentants sont nombreux au Maghreb, dans les pays du Golfe, en Afrique, en Indonésie, au Pakistan, en Égypte, en Jordanie...
Loin des idées préconçues du choc des civilisations, l'hétérogénéité du monde arabe n'est plus à démontrer. Au contraire, nous devons nous appuyer sur le rapport de force au sein de l'Islam pour travailler avec ces pays qui souhaitent, comme nous, fortifier le vivre-ensemble dans le respect des minorités religieuses.
3. De l'importance de la citoyenneté pour notre vivre ensemble
Dans ce contexte, travailler avec ces pays de l'Islam du juste milieu apparaît comme une évidence. Le monde arabe a déjà commencé à bouger les lignes: la déclaration de Marrakech du 27 janvier 2016 sur les droits des minorités dans les pays musulmans appelle ainsi à travailler "le principe de citoyenneté" et indique en conséquence qu'"il n'est pas autorisé d'instrumentaliser la religion aux fins de priver les minorités religieuses de leurs droits dans les pays musulmans". Ce fut le combat du Sheikh Abdallah Binbayya l'un des grands réformateurs de l'islam contemporain. Autre exemple : l'institut Mohamed VI pour la formation des imams au Maroc propose des formations à cet Islam et accueille des étudiants du monde arabe comme d'Europe.
Si les choses bougent dans le monde arabe, le mouvement doit aussi prendre en Europe. En effet, les juifs de France partent de plus en plus vers Israël et les actes islamophobes se multiplient à une allure inquiétante. Des partenariats avec des institutions comme l'institut Mohamed VI sont aujourd'hui urgents car de la formation de nos imams en France et en Europe dépendra aussi la promotion d'un Islam réformateurs et d'un dialogue inter-religieux fécond. Cela passe par une formation des imams en Europe qui s'inscrit dans la déclaration de Marrakech et la Charte de Médine. L'apprentissage de l'arabe entre aussi dans ce cadre. L'enseignement de la langue arabe doit être mieux encadré, plus valorisé par les institutions républicaines pour qu'il ne puisse pas être accaparé par des associations religieuses obscures, propagatrices de la vision ultraconservatrice de la bataille culturelle au sein de l'Islam.
Au final ce dialogue inter-religieux est l'une des conditions d'une citoyenneté européenne. Au-delà des déchéances de nationalité, le véritable ciment de notre société ce sont nos attributs communs, notre socle de valeurs et notre gamme de devoirs, tout ce que constituent la responsabilité de chacun et la solidarité avec tous au sein de nos sociétés.
Aujourd'hui, notre priorité est de construire notre vivre-ensemble dans le respect de toutes les minorités.
*   Député européen et Président du Groupe d'Amitié Union Européenne - Maroc
** Directeur de l'Institut Avicenne des Sciences Humaines et secrétaire général de la Conférence Islamique Européenne
*** Le fait de dissimuler sa foi en cas de danger





lundi 22 février 2016

Obama, changerait-il son fusil d'épaule ?

Barak Obama, et derrière lui l'UE, réalise-t-ils le danger pour l'Occident de continuer à soutenir les bédouins d'Arabie et de poursuivre la théorie du chaos créateur initiée par les Bush père & fils ? Mettrait un terme à l'islamisme en prenant ses distances d'avec les Frères musulmans que l'administration américaine soutenait jusque-là ? S'il se décidait à soutenir les progressistes et les laïcs qui ne manquent pas dans les pays du "printemps arabe", il aura mérité son prix Nobel en se conformant à son fameux discours du Caire.
R.B
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Patricia Lalonde
Secrétaire Générale de l'ONG MEWA, chercheuse à l'IPSE

Le jeu subtil des Etats-Unis au Moyen-Orient

Les média et commentateurs rivalisent dans leurs colonnes et sur les ondes de critiques à l'égard des Etats Unis et de l'administration Obama, qui serait "naïfs" ou "faibles" et "prendraient leurs désirs pour des réalités".
Pour comprendre le jeu des Etats-Unis, revenons en arrière...
Les Etats-Unis, lors du premier mandat de Barack Obama et sous l'influence de sa secrétaire d'Etat de l'époque Hillary Clinton ont misé sur le printemps arabe en voulant établir des démocraties au Maghreb et au Moyen Orient. Ils ont dans la foulée voulu déstabiliser la Syrie et évincer Bachar el Assad, pour continuer dans leur le jeu de quilles: Ben Ali, Moubarak, Khadafi et ....Assad.
Si la révolution syrienne a bien été inspirée d'une réelle volonté du peuple en faveur de plus de démocratie, la réalité sur le terrain militaire fut bien différente.
Il semblerait que certains militaires au Pentagone sous la houlette du Général Martin Dempsey, maintenant retraité aient très vite compris la menace islamiste et particulièrement celle des Frères Musulmans .Apres la trahison de Mohamed Morsi candidat des Frères Musulmans , envers le peuple égyptien, le rejet d'Ennahdha en Tunisie, et le chaos libyen, il était devenu évident que le même scénario risquait de se produire après la chute du régime syrien.
La notion de modération islamiste avancée par les opposants de Bachar Al Assad n'existe tout simplement pas... C'est l'argument principal des Frères Musulmans. Elle n'est modérée qu'en comparaison avec les exactions commises par Al Qaïda et Daech.
Les Frères Musulmans ont un programme nommé "Tamkine" à savoir l'islamisation de nos sociétés en quatre étapes par n'importe quel moyen, et en faisant surtout preuve de patience et de duplicité et en s'appuyant sur ce qu'ils considèrent comme les faiblesses des pays occidentaux: la recherche du profit, le respect des droits de l'Homme...
Les occidentaux aveuglés par leur volonté de remodeler le Proche-Orient se sont mis des œillères et n'ont pas voulu faire face à cette réalité.
Il est à parier qu'Obama en ait pris conscience lors de la seconde moitié de son mandat, sans doute avec l'arrivée de John Kerry au Département d'Etat. Le tournant en a été la fameuse ligne rouge sur les armes chimiques en Syrie. Il est maintenant quasi certain que ces armes ont été employées par les "rebelles" de la branche Al Nusra avec la complicité de certains acteurs du conflit . Voir les déclarations de Carla del Ponte, Commissaire au sein de la commission d'enquête des Nations Unies sur la Syrie ainsi que les dernières déclaration de John Brennan, le directeur de la CIA avouant que l'Etat Islamique possédait des armes chimiques et les avait déjà utilisées.
Apres le refus des parlementaires anglais de partir en guerre contre Assad et par crainte de se retrouver dans la même position que Colin Powell mentant sur les armes de destruction massive de Saddam Hussein, on comprend alors pourquoi Barack Obama a reculé au dernier moment, abandonnant ainsi ses alliés des pays du Golfe et la France.

La proposition de la Russie d'obliger le gouvernement syrien à se débarrasser de ses armes chimiques sous contrôle des Nations Unies est venue appuyer le refus d'Obama d'intervenir.
Cette position fut bien sûr très critiquée par l'aile conservatrice des républicains, majoritaire au Congrès.
L'administration Obama s'est donc livrée depuis ce fameux mois d'août 2013 à une immense partie de judo avec tous les acteurs du conflit.

Le premier combat de cette partie en a été le deal sur le nucléaire iranien, passage obligé pour apaiser le Moyen Orient.
Le second a été l'accord en sous main passé avec les Russes sur la désignation du véritable ennemi: Daech et les groupes terroristes affiliés à Al Qaïda sous diverses appellations...ainsi que la volonté de garder les structures de l'Etat syrien, laïc, représentatif des minorités pour ne pas prendre le risque de plonger le pays dans le chaos, laissant place à la mainmise des Frères Musulmans sur le pays.
La constitution d'un Califat entre la Syrie et l'Irak a d'ailleurs confirmé leur crainte que Daech ait été financé et utilisé par ceux qui prônaient la politique du Chaos constructeur... En effet, les exactions commises par l'Etat Islamique permettaient ainsi d'affubler du terme de "modérés" les groupes rebelles luttant contre Bachar El Assad.
Les Etats Unis et la Russie ont très vite eu la même approche envers ceux qu'ils considéraient comme "groupes terroristes" et ceux qu'ils considéraient comme de vrais alliés dans la lutte contre Daech, le tournant en ayant été la bataille de Kobané, remportée avec succès par les troupes kurdes du PYD.
Ce changement de stratégie d'Obama n'a pas été appliqué tout de suite sur le terrain militaire, certains groupes "modérés" continuant d' être approvisionnés en armes , laissant ainsi à penser que les Etats-Unis naviguaient dans le brouillard, en contradiction avec certaines déclarations des diplomates.
Il a fallu également tenir compte du double jeu de la Turquie d'Erdogan à la fois membre des Frères Musulmans et de l'Otan qui tout en affirmant apporter son soutien à la lutte contre Daech, continuait à favoriser l'entrée des jihadistes de tout poil sur le territoire syrien et à bombarder les Kurdes, les principaux opposants de Daech.
John Kerry a mis en œuvre cette stratégie et joué cette partie de judo avec patience et talent, n'hésitant pas à jouer double jeu quand cela s'avérait nécessaire...
Le dernier combat est la gestion de l'offensive militaire russe. Elle a suscité un déchainement de protestation chez les alliés de l'opposition islamiste, la Turquie et l'Arabie Saoudite en tête pour qui la chute du régime syrien reste la priorité et qui menacent d'envoyer des troupes en Syrie.

C'est pour cette raison que les Russes ont demandé une résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies interdisant à la Turquie, membre de l'OTAN, de porter la guerre en Syrie, arguant du prétexte du récent attentat à Ankara contre un convoi militaire, revendiqué par une branche dissidente du PKK.
Mais la France a fait obstruction dès le départ, interdisant aux autres membres de l'OTAN du Conseil de Sécurité de voter une résolution contre un de ses membres.
Il est probable que les Russes et le régime syrien continueront leur offensive pour reprendre les territoires sous contrôle des groupes terroristes et de Daech et que celui de Damas négociera dans les prochains mois avec l'opposition syrienne non islamiste.
Les archives ne retiendront pas la faiblesse d'Obama mais sa clairvoyance pour avoir voulu se désengager d'un conflit au Moyen Orient en passe de sombrer dans le chaos et sous la coupe des Frères Musulmans.
Nous devrions lui en savoir gré, car l'islamisation de la Syrie, tout comme celle des pays du printemps arabe qui l'ont évitée de justesse aurait des répercussions terribles en Europe. Nous en voyons déjà les prémices avec la crise des migrants. Elle aurait favorisé les ennemis des valeurs occidentales dans leur volonté d'islamiser et d'imposer la chariaa à l'Europe.