jeudi 25 octobre 2012

Qui est derrière les comités de protection de la révolution ?

Drôle de concept " gardiens de la révolution" que certains dirigeants s'arrogent le droit de proclamer sans vergogne pour s'autoproclamer "gardiens" ... s'il n'y avait un précédent : Mussolini et ses "chemises brunes" et Hitler et ses "SS" !!
R.B


Depuis la mort de Lotfi Naguedh et la recrudescence de la violence politique, les controversés comités de protection de la révolution refont parler d’eux. De plus en plus de voix s’élèvent pour exiger leur dissolution, y compris désormais au sein du pouvoir nahdhaoui, jusqu’ici plutôt bienveillant à leur égard. Ils sont chapeautés par une Ligue nationale de protection de la révolution dont le président, Mohamed Maâlej, est méconnu du grand public. Nous l’avons rencontré hier 23 octobre. Qui sont ces ligues, et qu’en est-il de leurs liens polémiques avec l’actuel gouvernement ? Eléments de réponse.

Des comités de quartier à une organisation nationale opaque

C’est sur le tard, en juin 2012, que la ligue est fondée, comme en atteste le Journal officiel documentant le visa qui lui est accordé conformément au décret 88 de septembre 2011 relatif aux associations. Elle dispose d'un siège modeste situé dans une zone rurale de Ben Arous.
Elle est « constituée sur la base du bénévolat par des Tunisiens ayant pris part à la révolution et participé à la protection des vies et des biens, contribuant à la réussite de la transition démocratique », peut-on lire dans son manifeste. Dans le même texte, ses membres fondateurs s’autoproclament « représentants de l’âme de la révolution ».

Pourtant, les Tunisiens ayant eu à garder eux-mêmes leurs quartiers au lendemain de la révolution vous diront en règle générale qu’ils ne connaissent pas ceux qui aujourd’hui se revendiquent de cette époque (janvier 2011) au point de pérenniser une entité proche de la milice permanente.

Pour le premier anniversaire des élections de la constituante, la proposition de l’élu ultra religieux Sadok Chourou de constitutionnaliser le statut de ces comités vient confirmer la proximité du moins idéologique de ces entités avec l’islamisme le plus radical. Ce scénario de l’institutionnalisation, même s’il est improbable, ravive les craintes de l’instauration d’une dictature du même type que celles qui ont succédé à la plupart des révolutions de l’Histoire récente.

Des méthodes fascistes

Si au Bardo le 23 octobre fut une célébration unilatérale pour les militants d’Ennahdha ayant reçu « l’ordre de célébrer », sur place, nous avons pu constater l’omniprésence des comités de protection de la révolution, venus essentiellement des faubourgs de la capitale pour défiler en seconde vague.

Ce sont eux qui expulsent quelques journalistes et en menacent d’autres, à l’image d’Emin Mtiraoui (Nawaat) qui eut maille à partir avec les représentants de la Ligue du Kram : ayant pris part à l’attaque de l’ambassade US en septembre dernier, ils ont promis des représailles contre les médias qui les ont filmés en action.

Alors que l’un d’eux profère des obscénités entre deux chants religieux, le secrétaire général de la section Kram, Imed Dghibej, déclarera qu’il « ne fera la fête que le jour où des potences seront installées pour châtier les ennemis du peuple », une allusion à la magnanimité d’Ennahdha avec les symboles de l’ex régime. 

Des profils hétéroclites   
 
Mais le contraste est saisissant entre la sulfureuse réputation de barbouzes des membres des comités de protection de la révolution, et la quasi bonhomie de Mohamed Mâalej, le numéro 1 national de cet organisme plutôt obscur.

On sait peu de choses sur ce quinquagénaire discret, si ce n’est qu’il est docteur vétérinaire, consultant international, et qu’il dispose d’un bureau d’études reconnu dans sa spécialité. Alors que l’extrême gauche désavoue via Hamma Hammemi une ligue qui « n’a aucun rapport avec la révolution », Mâalej axe toutes ses réponses à nos questions sur le fait que les appels à la dissolution de sa ligue proviennent d’une même source, sous-entendu l’ex RCD et ses réincarnations.

Il nie en outre avoir reçu une convocation par les autorités en marge des récentes violences à Tataouine. Malgré le discours plus islamiste que révolutionnaire tenu par des militants moins aguerris que leur chef, les « lijén » gardent une certaine distance avec le parti au pouvoir. Ils entretiennent une ambiguïté, trahie cependant par une complicité visible lorsqu’ils s’isolent par exemple à l’abri des caméras en compagnie de cadres d’Ennahdha, avec lesquels ils s’échangent quelques tapes amicales sur l’épaule.

En attendant d’en savoir plus sur le sort que lui réservera ou non la Justice, Mohamed Mâalej annonce sur le ton du défi que « la Ligue aura très bientôt des sections dans l'ensemble des régions du pays ». Si cela se concrétise, elle se substituera davantage encore à la police de proximité et acquerra un peu plus le statut d’Etat dans l’Etat.

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