mardi 5 février 2013

Crise conjugale dans le couple franco-qatari

Benoît Margo
Consultant en géostratégie du Moyen-Orient

Fin de la lune de miel entre le Qatar et la France ?

Alors que la France de Nicolas Sarkozy s'affichait sans complexe avec ses amis de la péninsule du Golfe, celle de François Hollande semble prendre ses distances. La "relation spéciale" entre Paris et Doha est-elle en danger?
D'où vient cette proximité entre la France et le Qatar?
Les relations sont bonnes avec le Qatar depuis son indépendance en 1971. Le pays s'affichait déjà francophile et achetait du matériel militaire français pour sa sécurité. Encore aujourd'hui, l'essentiel de l'équipement des forces armées qataries est d'origine française.
On peut relier l'essor récent de nos relations à l'arrivée au pouvoir de l'émir actuel, Cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani, en 1995. Celui-ci a en effet renversé son père et, à l'époque, le nouveau président français, Jacques Chirac, avait été l'un des premiers dirigeants occidentaux à reconnaître l'émir putschiste.
Cheikh Hamad est l'artisan de la nouvelle position mondiale du Qatar, une péninsule désertique grande comme la Corse (Al-Jazeera, c'est lui, dès 1996). Il souhaite donc nouer des alliances diversifiées, en mesure d'assurer la place et l'avenir de son petit pays.
Vu leur caractère incontournable dans la région, les États-Unis sont bien entendu le partenaire le plus puissant. Les Américains possèdent d'ailleurs au Qatar l'une de leurs plus grandes bases militaires hors de leur territoire, celle d'Al-Udaïd. Mais le Qatar n'entend pas rester politiquement enfermé dans sa relation avec Washington, dont la popularité est exécrable au Moyen-Orient.
La France offre une alternative crédible. Et le français est un atout supplémentaire pour l'émirat, déjà bien ancré dans la sphère anglophone. Son statut de deuxième langue diplomatique permet un accès à de nouveaux univers de pensée et de nouvelles régions du monde. L'adhésion expresse duQatar à l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) en 2012 est à voir sous cet angle.
De son côté, Paris est ravi de nouer un tel partenariat: il prouve que la France est toujours une puissance reconnue au Moyen-Orient. Et puis surtout, les Qataris vont révéler qu'ils ne sont pas seulement très riches. Ils sont des acteurs montants sur la scène régionale et mondiale. Dès lors, la combinaison des réseaux franco-qataris ne peut être que gagnante.
En quoi la relation avait évolué sous la présidence Sarkozy?
Tout en conservant la même orientation, elle s'était approfondie. Pour deux raisons: la visibilité accrue du Qatar, et le président Sarkozy lui-même.
Dans les années 2000, le Qatar a commencé à faire preuve d'un dynamisme diplomatique remarquable au Moyen-Orient. Doha s'affichait en médiateur désintéressé dans plusieurs conflits de la région. Puis, la crise économique mondiale, qui a sapé l'image de "l'Occident" comme moteur de la croissance globale, lui a offert un plus grand poids dans le domaine économique. Enfin, le "Printemps arabe" lui a donné l'occasion de s'affirmer comme une puissance incontournable sur le plan politique.
De son côté, Sarkozy est arrivé au pouvoir déjà muni d'un carnet d'adresses au Qatar. C'est fort logiquement vers les Qataris qu'il s'est tourné pour libérer les infirmières bulgares des geôles de Kadhafi, en 2007, pour dénouer la crise au Liban et amadouer Bachar al-Assad, en 2008, pour faire tomber le régime libyen et encadrer la montée des islamistes arabes, en 2011.
Nicolas Sarkozy, dont on connaît le dynamisme et le goût pour le "business", s'est sans doute identifié aux ambitieux dirigeants de l'émirat. Il s'est vite lié d'amitié avec eux. Cela explique pourquoi il a facilité les placements (immobiliers, financiers, sportifs...) de leurs investisseurs dans l'Hexagone, en les orientant parfois lui-même, comme lors du rachat du PSG, son club fétiche.
Pour le président français, le Qatar ne peut que poursuivre son ascension dans les années à venir. Dans cette optique, en faire un allié stratégique tombe sous le sens.
L'élection de François Hollande a-t-elle vraiment changé la donne?
En tant que telle, elle ne devait rien changer sur le fond. Les investisseurs qataris sont d'ailleurs toujours les bienvenus en France en 2013. Sur la forme, c'est une autre histoire. François Hollande se veut plus mesuré que son prédécesseur et il n'est pas un ami personnel de l'émir.
Ce dernier avait pourtant anticipé le changement de locataire à l'Elysée. Il avait envoyé des émissaires auprès du candidat Hollande. En outre, en 2011, son épouse préférée -l'influente Cheikha Mozah- avait racheté le maroquinier corrézien de luxe Le Tanneur, alors en difficulté financière. Cette acquisition avait lancé les spéculations sur les contacts entre Doha et celui qui n'était encore que le président du conseil général de Corrèze.
LIRE AUSSI: Le Qatar veut investir 10 milliards dans des grands groupes français
Hollande élu président, il s'écarte de l'image de "favoritisme" français envers le Qatar, devenu trop ostentatoire et sujet à polémique. Il entreprend de rééquilibrer les relations en terre arabe. Contrairement à Sarkozy, il reçoit Mohamed VI avant Cheikh Hamad, et se rend en Arabie Saoudite et aux Émirats Arabes Unis avant d'honorer le Qatar de sa présence. Une première visite présidentielle y serait rapidement prévue pour 2013, mais Doha laisse planer le doute.
Car le Qatar est vexé du comportement français. De son côté, Paris s'interroge sur les manœuvres qataries en Afrique de l'Ouest et au Moyen-Orient. L'opposition de Doha à l'intervention au Mali passe mal. Elle complique en plus la position française en Syrie, alors que les islamistes radicaux gagnent en influence chez les rebelles, et que le Qatar appelle cette fois de ses vœux une intervention militaire.
Que peut-on attendre de la situation?
Malgré la brouille actuelle, qui peut tout à fait perdurer, la substance des relations franco-qataries ne devrait pas être altérée. En effet, pour le Qatar comme pour la France, leur alliance stratégique repose sur une vision de long terme. Les deux pays auront toujours des intérêts à s'entendre, surtout à propos des bouleversements qui affectent le monde musulman.
Cependant, cette relation n'a pas à être exclusive. Outre les États-Unis, le Qatar lui-même se rapproche beaucoup des pays d'Asie de l'Est et du Sud, qui sont ses principaux clients pour le gaz. Côté Français, il est crucial de multiplier les ponts auprès des autres puissances dans la région, afin d'y maintenir cette position à part dont le Quai d'Orsay s'enorgueillit.

1 commentaire:

  1. VOUS AVEZ DIT REVOLUTION LIBYENNE ?
    Les dessous des cartes de cette révolution qui n'est qu'un règlement de compte entre l'émir du Qatar et le président Kadhafi !

    Enfin, la vérité sur le printemps arabe !

    http://www.tunisie-secret.com/Enfin-la-verite-sur-le-printemps-arabe-Video_a326.html

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