dimanche 29 septembre 2013

La jeunesse, cible mouvante des faucons islamistes.

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Bonnes moeurs. - Le jeune rappeur Klay BBJ a été condamné ce matin à six mois de prison ferme avec effet immédiat. Coupable de ses chansons. Coupable "d'atteinte aux bonnes moeurs". Samedi 21 septembre, à l'aube, ce sont huit activistes (réalisateurs, techniciens) qui ont été arrêtés à quatre heure du matin par la police. L'arrestation un samedi matin a pour effet pervers que les inculpés sont immédiatement incarcérés en attendant qu'un juge soit de retour de week-end le lundi. Deux jours dans une prison voilà qui est sensé interdire de moufter les mécontents. On ne connait toujours pas les raisons de leurs détentions si ce n'est qu'un joint "aurait" été découvert. Il serait pertinent de savoir comment la police a su qu'à 4h du mat' un joint circulait chez ces personnes. Très présents avant, pendant et après la révolution, ils disposaient d'images précieuses. Comme par hasard, un disque dur contenant lesdites images a été saisi par les pandores. Quel rapport entre le joint et des images à portée politique? Mystère. Sous Ben Ali, lorsqu'ordre était donné de faire taire quelqu'un, on glissait de la drogue chez lui. La législation sur les stupéfiants est sévère en Tunisie. Ce groupe risque un an de prison. Reverra-t-on le disque dur? Malgré les mises en garde des vigies internationales des droits de l'homme, l'emprisonnement devient l'arme favorite de la répression en Tunisie. 

Photo : ‎بعبوص الكلب ألي كي تحطو 40 عام في قصبة يخرج معوج ، جاء الوقت بش يتقص فرد مرة‎
GHANNOUCHI ET LA LIBERTÉ

Guerre des lycées pilotes. - Lundi, les élèves du lycée pilote de Tunis se sont rendus au lycée pilote de l'Ariana afin de leur flanquer une raclée. Bilan: cinq blessés, des dégâts dans l'établissement, un encadrement scolaire débordé et impuissant. La police est intervenue afin de mettre fin à cette guéguerre démarrée sur Facebook. Les lycéens ont rivalisé d'insultes et de menaces sur le réseau social avant de passer à l'acte. En cause: l'affaissement de l'autorité. Elle fait défaut et on ne la respecte plus. Ce West side story version Grand Tunis met en lumière le climat de violence qui règne dans de nombreux établissements. 
Un professeur d'université de La Manouba me racontait que les nouveaux professeurs recrutés en cette rentrée sont "tous sympathisants d'Ennahdha". On le sait, la priorité du parti islamiste est de cibler l'Education nationale afin de modeler à son goût la future génération. Le Cheikh Mourou avait expliqué en 2012 qu'on ne pouvait modifier les quadragénaires hostiles à Ennahdha, "trop tard" selon son analyse. La jeunesse, voilà une pâte à modeler à la hauteur des ambitions des faucons islamistes. 

Jardins d'enfants coraniques illégaux. - La Direction de l'enfance a bien travaillé. Elle a dénombré quelques 702 jardins d'enfants coraniques illégaux, ne respectant ni la Loi ni les programmes qui se doivent d'être les mêmes dans tous les établissements tunisiens. Ces commerces idéologiques sont financés par des associations dont on peine à trouver l'origine des financements. A plusieurs reprises, dans le Grand Tunis, j'ai vu des enfants couverts d'un niqab, des fillettes déjà persécutées à l'âge de 4 ans par des adultes se croyant tout puissant. Cela fait deux rentrées scolaires que la direction de l'enfance alerte les autorités de ce fléau. Des fermetures volontaires ont été recensées, d'autres furent contraintes. Mais l'immense majorité de ces jardins d'enfants illégaux continue sa besogne: forger de futurs militants. 

Marzouki ou le ridicule ne tue pas. - Le sommet annuel des membres de l'ONU a permis au Président de la République de Tunisie, Moncef Marzouki, d'affirmer que le prisonnier politique Jabeur Mejri demeurerait en prison car libre "il ne serait pas en sécurité". Ce jeune homme a écopé de sept ans de prison ferme pour "blasphème" sur Facebook. Il avait "posté" un dessin critiquant la religion. M.Marzouki bénéficie du droit de gracier le jeune homme. Il ne le fera pas afin, dit-il, d'assurer sa sécurité face aux salafistes... Le ridicule ne tue pas en politique. En sous-texte, la déclaration présidentielle permet de comprendre que Jabeur Mejri est en prison à cause des salafistes et qu'il y restera à cause des salafistes. Hallucinant. 

Le député Mohamed Brahmi a été assassiné devant son domicile le 25 juillet dernier. - Depuis, en dépit des manifestations de l'opposition devant le Bardo - siège de l'Assemblée nationale constituante -, le gouvernement gouverne et l'ANC reprend ses travaux en l'absence des députés dissidents. Ennahdha vise le long terme. Elle se moque des insultes et des accusations. Elle fait mine de négocier avec l'UGTT - le casque bleu de la politique tunisienne - tout en ne cédant sur rien. Choukri Belaïd est mort par balles le 6 février. Puis Brahmi. Lundi, lors d'une conférence de presse, Ajmi Lourimi membre de la Choura (le Politburo d'Ennahdha) a déclaré avec une délicatesse de char d'assaut que son parti "n'accepte ni l'exclusion ni la domination et refuse qu'une minorité à faible représentativité voire inexistante à l'ANC puisse imposer ses vues". Clair et net. Et l'habile Cheikh Mourou de nous dépeindre Rached Ghannouchi, le boss d'Ennahdha, victime des faucons de son parti. Du billard à plusieurs bandes. 

Elections, calendes tunisiennes. - Pour organiser un scrutin, il faut un organisme qui s'occupe des détails pratiques. Des listes des votants aux urnes, des isoloirs aux assesseurs, les juristes de l'ISIE avaient réussi la première élection libre de Tunisie, le 23 octobre 2011. On l'a donc dissoute, logique... L'ISIE 2 vient de trépasser à peine mise sur pieds. Un de ses membres avait menti sur son cv. Elle n'était pas juriste. Résultat: plus d'ISIE 2. Donc, les élections prévues en 2012 puis 2013 sont désormais remises aux calendes grecques. Aux calendes tunisiennes. Il semble que le pouvoir juge inopportun de demander au peuple de choisir son destin.

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