mardi 8 décembre 2015

Le takfirisme ou le recours à l'excommunication

Chez les islamistes le nom de leurs partis changent, mais la doctrine qui les anime tous est la même : le wahhabisme ! Les uns servant souvent de bras armé aux autres !!
R.B

Les takfiri (du mot arabe : تكفيري, de Takfir wal Hijra (en arabe : تكفير والهجرةAnathème et exil, groupe fondé en 1971) sont des extrémistes islamistes adeptes d'une idéologie ultra-violente. Le terme takfiri signifie littéralement « excommunication » ce qui emporte le prononcé de la peine de mort. Les takfiris considèrent les musulmans ne partageant pas leur point de vue comme étant des apostats, ce qui les autoriseraient bien légitimement à verser leur sang. Pour mettre au pas leurs coreligionnaires, ils font donc un recours systématique à l'arme du takfir. Autrement dit, le takfirisme se définit comme un terrorisme intellectuel, joignant la parole aux actes.

Histoire 
Le mouvement Takfir wal Hijra est fondé, à sa sortie de prison en 1971, par Moustafa Choukri (en) (1942–1978), un ingénieur agronome égyptien originaire d'Assiout, emprisonné par Nasser à la suite de la grande répression des islamistes de 1965. Initialement, le nom de Takfir wal Hijra a été donné ironiquement par la police et la presse égyptienne, ses membres se désignant sous le nom de Jama'a al-muslimun ("association des musulmans")1. Il s'agit d'une scission des Frères musulmans par un groupe de puristes qui non seulement jettent l'anathème (Takfir) sur les autres groupes musulmans, mais refusent de prier avec eux et se mettent donc en exil (Hijra) de la communauté, en contradiction avec les principes régissant l'Oumma2

Le groupe s'inspire des théories de Sayyid Qotb en les appliquant littéralement3. Il souligne sa rupture totale avec la société musulmane traditionnelle qu'il qualifie de mécréante (kufr)2. Les partisans de cette doctrine s'isolent alors dans des communautés alternatives, ou même dans des grottes en Haute-Égypte. Ce mouvement recrute des personnes marginalisées ou aliénées dans l'Égypte moderne, et qui y trouvent une nouvelle communauté4. Le mouvement attire beaucoup de femmes. Celles-ci peuvent alors rompre tout lien avec leur famille, considérée comme mécréante, se dessaisissant ainsi de leur responsabilité de femme au sein de leur famille. Bénéficiant d'une autorité incontestée à l'intérieur du groupe, Choukri s'autoproclame comme une sorte de Mahdi (le prophète attendu), arrangeant les mariages et interdisant les contacts externes, ce qui entraîne des plaintes des familles dont les filles ont rejoint le groupe.
En 1977 l’Égypte sévit contre le groupe arrêtant ses membres et exécutant Moustafa Choukri à la suite de l'assassinat d'un ancien ministre des biens religieux5. Le groupe semble avoir disparu, mais en 1995 la police égyptienne découvre des vidéos de propagandes takfiris et met à jour tout un réseau se réclamant de son héritage1.

Utilisation dans les conflits modernes 
Plutôt que l'organisation structurée originale, le terme Takfir wal Hijra désigne aujourd'hui plusieurs mouvements néo-fondamentalistes développant une rhétorique de retour à une pureté de l'Islam originel6. Le terme a été popularisé dans les médias occidentaux par le journaliste d'investigation de la BBC Peter Taylor, dans un documentaire intitulé Le Nouvel Al Qaïda.
Il désigne des groupes armés particulièrement violents et cruels. Leur inspiration idéologique et religieuse provient du kharidjisme et du ikhwanisme. Les atrocités qu'ils commettent sont rarement dénoncées.
Aujourd'hui, le Takfir wal Hijra inspire des groupes dans plusieurs pays où est aussi présent Al-Qaïda, notamment en Libye7, en Éthiopie8 ou en Russie9Chérif Kouachi, l'un des auteurs de la fusillade au siège de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, se réclamait du Takfir wal Hijra lorsqu'il préparait l'évasion de l'un des responsables de l’attentat de 1995 dans le RER C10.
Les combattants takfiristes ont des pratiques de guerre qui les caractérisent :
  • profanation de tombes11, destruction des mausolées12, et de lieux de cultes ;
  • atrocités, parfois filmées, utilisées pour intimider et terroriser les populations13 ;

Doctrine et traits psychologiques
Leur idéologie exige l'élimination de tous les non-musulmans (ils sont opposés à la dhimmitude) ainsi que de la majorité des musulmans14. Les opposants musulmans aux takfiristes considèrent souvent ces derniers comme les équivalents modernes des Kharijites15, un mouvement religieux qui, au viie siècle, lança la guerre contre le calife `Ali ibn Abi Talib. Ceux-ci furent mis en déroute mais finirent quand même par le tuer plus tard en organisant son assassinat. Au départ les Kharidjites étaient des disciples d'Ali qui refusèrent que ce dernier accepte un traité de paix avec Muʿāwiya Ier qui eut lieu après la bataille de Ṣiffīn en argüant que « Alī est choisi par Dieu pour être calife et qu'il ne doit pas lui désobéir ». Ali reçut alors l'ordre de tuer les opposants à ce traité. C'est pour cette raison que les Kharidjites décidèrent d'entrer simultanément en guerre contre les deux mouvances chiites et sunnites, afin de détruire ce qu'ils considéraient comme des apostats en se référant au verset coranique suivant :
« Si deux partis de croyants se combattent
rétablissez la paix entre eux
Si l'un se rebelle encore contre l'autre,
Luttez contre celui qui se rebelle
Jusqu'à ce qu'il s'incline devant l'ordre de Dieu. »
Le takfirisme est souvent perçu comme idéologiquement proche (ou même comme une émanation) du kharidjisme, à la différence majeure que le takfirisme use systématiquement de l'excommunication comme arme pour arriver à ses fins, là où le kharidjisme peut user du dialogue pacifique afin de tenter d'établir la paix entre les intervenants.
Enfin, les takfiristes peuvent venir d'horizons spirituels très divers et ne pas être issus directement de la doctrine kharidjite.

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