dimanche 17 décembre 2017

Appel du 17 décembre 2017 !

UNE INITIATIVE CITOYENNE QUI GAGNERAIT A ÊTRE PLUS PRÉCISE DANS SES REVENDICATIONS !

Dommage que les rédacteurs de l'appel, semblent ménager l'actuelle coalition en minimisant l'effet de leur appel par leur préambule ! Mais on sent chez les signataires la volonté de ménager tout le monde, or il est absolument évident qu'il y a des préalables importants à trancher, faute de quoi rien n'arrivera de bon : pas de parti religieux, une modification de la Constitution pour permettre à une réelle majorité de sortir et d'avoir les moyens d'une vraie politique de progrès. N'a-t-on pas encore compris que les demi-mesures, le consensus à tout prix n’aboutissait qu'à l'échec et même au développement de l'islamisme politique, ce cancer du siècle ?
R.B

Jean Pierre Ryf (juriste) :
Cet appel est tout à fait le bienvenu. Il pointe clairement la trahison de Nidaa Tounes et la complicité intéressée d'Ennahdha. Cet appel à lutter contre ces deux partis, est en effet la solution.
Cependant, je crains que cet appel n'ait pas vu le principal problème. Car cet appel défend la constitution actuelle ! Or c'est elle qui est porteuse de cette situation.
Comme chacun sait, la constitution a été rédigée avec force ambiguïté. Par ailleurs et surtout, elle a par la division qu'elle permet, entraîné cette alliance contre nature. Je pense qu'il faut revoir le mode du scrutin, et retenir celui qui permet de dégager une majorité réelle qui puisse avancer en donnant une prime majoritaire au parti arrivé en tête ; ce qui lui évitera de s'allier au diable.
Quant à l'union des partis autres que Nidaa et Ennahdha, cela me paraît être une pure utopie quand on sait l’immaturité et l'absence du sens de l'intérêt général de tous ces petits partis qui ont seulement brillé par leur nullité.

DÉFENDRE LE PAYS, LA CONSTITUTION ET LES LIBERTÉS

De nombreuses personnalités académiques, du monde des médias, de la société civile et de nombreux citoyens ont signé samedi, date du septième anniversaire du déclenchement de la révolution, une lettre ouverte comme "mise en garde solennelle au pouvoir en place", pour la défense du pays, de la Constitution et des libertés contre une "offensive réactionnaire" du pouvoir.
"Une réaction citoyenne" contre un risque de voir la "démocratie vidée de son sens" affirme l'universitaire Naila Silini*.

Sept ans après le déclenchement de la révolution, ce sont les groupes affairistes et mafieux qui apparaissent comme les principaux bénéficiaires du renversement de l’ancien régime. Aucune des revendications essentielles de la population n’a reçu le moindre début de satisfaction. Le fossé séparant la Tunisie de l’intérieur de la Tunisie du littoral ne s’est pas réduit ; la société rurale continue de souffrir d’un rapport structurellement inégal avec la société urbaine. Les habitants des ceintures des grandes villes restent enfoncés dans leur marginalisation ; nulle stratégie n’a été conçue pour intégrer les activités informelles dans l’économie structurée. Les travailleurs et les fonctionnaires sont encore soumis à la politique des très bas salaires, les augmentations arrachées depuis 2011 ayant été gommées par une inflation galopante. Les jeunes diplômés souffrent plus que jamais d’un chômage massif, lié à un système productif peu évolué. La classe moyenne, en particulier les patrons de PME, est toujours pressurée par l’Etat et toujours prise en tenailles entre l’économie informelle et l’oligarchie rentière.

La chute de Ben Ali n’a pas entraîné la chute de son système économique. Les anciens réseaux se sont réorganisés, puis repris leur expansion, gangrenant l’administration, la justice et les médias, sans oublier les partis politiques. Les gouvernements qui se sont succédés depuis 2011 se sont tous dérobés devant la nécessité d’engager un combat frontal contre la corruption et les privilèges.

Le soulèvement populaire a renversé la dictature et instauré un climat de liberté, couronné en 2014 par l’adoption d’une Constitution démocratique. D’essence parlementaire, celle-ci établit un régime civil (madani), qui protège les droits des citoyens ainsi que les libertés publiques et individuelles. Tout cela n’était pas de nature à répondre aux besoins pressants des citoyens, mais constituait un progrès, ouvrant la voie à une nouvelle étape de luttes pour accomplir les changements économiques et sociaux exigés par le pays. Ce qui aurait permis de transformer le soulèvement en une authentique révolution, c’est-à-dire en une mutation d’ensemble, ne se limitant pas à la seule sphère politique, mais englobant toutes les dimensions de la vie nationale.

La nouvelle Constitution et les nouvelles marges de liberté représentaient des acquis précieux, un tremplin pour passer à la démocratie réelle. Ce sont ces acquis qui sont aujourd’hui gravement menacés par Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi, son allié direct dans les mauvais coups qui se préparent contre la Tunisie et sa démocratie naissante.

L’offensive antidémocratique s’est accélérée à la fin de l’été 2017. Dans un entretien accordé le 7 septembre à la presse locale, reniant sa prestation de serment, le président de la République s’en est pris violemment à la Constitution et au régime parlementaire, a mis en cause les institutions indépendantes et s’est livré à un véritable plaidoyer pour le retour du présidentialisme et l’obtention des pleins pouvoirs. Au passage, il a qualifié la révolution de « parenthèse de haine et de ressentiment » et annoncé le report des élections municipales. La composition du gouvernement Youssef Chahed II, est venue de suite confirmer cette volonté de refermer la parenthèse : plus de la moitié des ministres nommés sont issus de l’ancien RCD, tandis que les principaux portefeuilles sont attribués à des proches de Caïd Essebsi. Dans la foulée, une tentative avortée a failli donner un siège à l’ARP au fils du chef de l’Etat. Point d’orgue de l’offensive, le 13 septembre, les élus Nidaa Tounès et Ennahdha ont voté la loi dite de réconciliation administrative, qui arrête les poursuites pour cause de corruption impliquant des responsables de l’époque Ben Ali.

Le président de la République n’a pu agir comme il l’a fait que parce qu’il pouvait compter sur la connivence intéressée de Rached Ghannouchi, qui l’a soutenu dans chacune de ses initiatives, y compris dans son népotisme. Les deux hommes et leurs partis sont ensemble à la manœuvre depuis des années. Pour faire avancer leurs intérêts, ils s’étaient contentés jusque-là d’une forme insidieuse de restauration. Désormais, l’entreprise s’affiche au grand jour et se donne à voir telle qu’elle est. 

Nous disposons à présent et dorénavant, d’adversaires précisément identifiés, sur lesquels plus personne de bonne foi ne peut plus nourrir la moindre illusion. Nous pouvons par conséquent nous rassembler contre eux, combattre leur projet rétrograde et le mettre en échec. 
Le devoir de résistance ne relève pas des seuls partis d’opposition, il concerne toutes les Tunisiennes et tous les Tunisiens attachés à leur pays et à leurs libertés, conquises au prix du sang des jeunes générations.

L’offensive réactionnaire déclenchée en septembre dernier est minée de l’intérieur, parce qu’elle est dirigée par deux hommes et deux partis. Ce genre d’attelage est incertain. Mais il ne tombera pas de lui-même. Pour mener le combat de façon efficace, il faut un plan et une stratégie :

- Informer le plus largement possible sur la gravité réelle des buts que Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi cherchent à atteindre. Le retrait de la candidature de Hafedh Caïd Essebsi à la députation, suite aux protestations soulevées, a constitué une première victoire. 
- Dénoncer simultanément les deux pôles du système. Cibler uniquement Caïd Essebsi servirait directement les islamistes ; cibler uniquement Ghannouchi servirait directement Nidaa Tounès et le RCD qui se cache derrière lui. 
- Lutter dans le cadre unitaire le plus vaste. Toutes les forces – politiques, syndicales, associatives, intellectuelles, artistiques, les mouvements de femmes et la jeunesse –, toutes les forces de la société civile doivent y participer et prendre leur part dans le combat. Les clivages du passé doivent être surmontés. Nous devons réapprendre à nous parler, à nous faire mutuellement confiance et à agir en parfait accord. 
- Mener le combat contre la corruption. Ce combat est actuellement conduit par de nombreuses structures, institutionnelles et associatives. Il convient de renforcer leur action en les rejoignant, en faisant connaître leurs activités ou encore en les aidant à développer leur implantation régionale et locale. La corruption, qui ruine l’économie, est aussi le talon d’Achille de la coalition dirigeante. Il ne faut pas lui laisser de répit sur ce terrain. 
- Lutter pied à pied pour sauvegarder les espaces de liberté conquis après 2011. Pour faire avancer ses projets, la coalition dirigeante a besoin de réduire ces espaces, puis de les supprimer. Pour faire avancer nos propres projets, nous avons besoin de les protéger et de les renforcer. 
- Jeter un maximum de ponts entre le combat pour les libertés et le combat pour les revendications économiques. Pareille jonction, donnerait aux luttes sociales la résonance nationale qui leur manque encore et aux luttes politiques la profondeur démographique qui leur fait encore défaut. 
- Se mobiliser largement pour imposer la tenue d’élections municipales au premier trimestre 2018. Et entrer en campagne avec des listes citoyennes unitaires, condition indispensable du succès.


Ces propositions ne sont pas un programme de parti. Notre Appel s’adresse aux Tunisiennes et aux Tunisiens, sans distinction ni exclusive. En le signant et en le faisant signer massivement, nous affirmerons l’existence d’un puissant courant de vigilance civique et nous adresserons une mise en garde solennelle au pouvoir en place.

Nous ne laisserons pas voler nos libertés !
Nous ne laisserons pas voler notre révolution !
Nous ne laisserons pas voler notre pays !



Lire : 
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* Naïla Silini :

Une réaction et une vigilance citoyenne ! Le choix de publier cet Appel le 17 décembre est "symbolique".

À travers cette "réaction citoyenne", les signataires de cet Appel tiennent "à attirer l’attention sur les conséquences néfastes de cette complicité" entre Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi, "qui ne sont que deux faces d’une même pièce".

La rencontre de Paris a tissé le destin de nos jours. Il faut noter que cette complicité renvoie à beaucoup de domaines et peut toucher le fonctionnement de l'appareil étatique dans son volet économique, mais aussi dans son volet politique ; et l’acquis de la liberté d'expression - qui se réduit de jour en jour - ; et en fin dans son volet social.

En résumé, aucune hypothèse n’est écartée, et grâce à cette coalition entre les deux partis, la démocratie est vidée de son sens.
L'exemple le plus récent, le report des élections municipales :
Le report au mois de mai marque une position impulsive et pourrait avoir des conséquences lourdes sur les prochaines échéances législatives en 2019.
Le peuple doit s’attendre à revivre la même expérience que sous la Troïka lorsque les élections ont été retardés de trois années.

Ce qui est à craindre, c'est :
- L'échec de la transition démocratique.
- Perdre notre capital acquis après la révolution.
- Une situation économique qui se détériore, rongée par la corruption, qui ruine l’économie, et qui est aussi le talon d’Achille de la coalition dirigeante. Il ne faut pas lui laisser de répit sur ce terrain.


En résumé, nous exprimons la vigilance citoyenne qui se résume dans les actes suivants : Observer, Noter, Mémoriser, Avertir.



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